L’inachevé de la joie – 19

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 19
La falaise près de l’étang, lac Spectacles, Wenthworth Nord, Québec
45.81285332929021, -74.52382243981152


En hiver la falaise est l’endroit où je monte vers le somment du mont d’où je peux voir le lac Spectacles.
De cette montée, j’ai surtout des images d’hiver. La falaise se couvre de glace.

***

De tous les lieux que je nomme et écris, souvent me vient le désir de retourner en eux, ou vers eux.

***
2022-03-07

Je vois le gros VUS que mon voisin d’en face vient d’acheter. Peut-être qu’étant donné ce qu’est l’homo sapiens, les changements climatiques sont inévitables?

Après avoir lu ce matin tous les articles sur la guerre, celle-ci était-elle inéluctable?
De l’inuctabilité des évènements ou transformations, l’homme a été confronté durant toute son histoire.

Nous l'avions oublié, l’histoire.  Elle nous frappe de plein fouet par ces images de nos espaces dévastés. Puisque c’est bien là, dans la destruction de nos espaces de vie, d’habitation que se joue la guerre.

Tout lieu d'Ukraine devient champ de bataille.

Ce n’est pas la première fois qu’homo sapiens doit répondre à des évènements climatiques inéluctables, mais le fait qu’il les provoque lui-même est la conséquence qu’il est devenu une espèce dominante qui se met en péril par sa propre expansion.

Il est confronté à la logique de ce qu’il appelle nature et qu’il nie. Cette crise n’est pas inéluctable, mais les ressorts symboliques, la construction d'un nouveau paradigme implique une forme quelconque de changement spirituel, inspiré peut-être des peuples premiers ou de nos ancêtres.

Il restera toujours quelque chose, même dans les conditions extrêmes, de cet homo sapiens. La guerre d’Ukraine montre une petite partie de ses capacités d’auto-destruction qu’il applique aussi son environnement.

Le déséquilibre est constitutif du mouvement, de la vie, tout comme l’entropie qui flèche les évènements dans un certain sens.

Poutine nous jette en plein visage notre histoire, ou l’histoire.

Sa destruction des espaces de vie ukrainiens est effrayante. Guerre de destruction  contre des frères.

L’autre est ici un frère, mais le décalage entre le frère et son frère russe, doit être éliminé.

Cet état de déséquilibre extrême dans lequel se plonge l’homo sapiens l’entraîne vers plus de douleur. La destruction des conditions actuelles de ce qui est la Terre-Gaia.

L’équilibre de l’évènement Gaia qui a rendu possible l’apparition d’homo sapiens est suspendu ou détruit.


***

Une quelconque machine
De guerre, de destruction
Comme du roc
Comme un mur

***

Comme je tombe
Ainsi tombent
Les neiges
Je roule

Devant moi la falaise
Quelconque machine 
Agencement de roc
Pour le déséquilibre du regard

Où suinte l’eau
La main se tend
La pierre se fissure

Le roulis des sensations
Dans la neige
Le corps la rejoint
Et tourne

Hors de portée
La paroi mouillée

Les mains froides
Se retenir à l’arbre
L’immobilité se propage
De la pierre aux muscles

La falaise assemblée en ses glaçons
Laisse fuir un peu de beauté
Sur mon visage rougi

***

Débris de machine
Débris de mur
Débris de forêts
Pierres qui roulent

Les fracas de nos déséquilibres
Arpentent nos os
Qui glissent les uns contre les autres
De nos dévastations

Falaise où appuyer les mains
Sans le tremblement des obus loin là-bas
Aux frontières de la peau et de l’inéluctable

L’eau de la falaise donne à la bouche
Des paroles pour ralentir la chute
Sur le glacis des images des corps brisés
Une branche retient le geste

S’abandonner 
Au vertige des masses
Formant la montagne

En nous le fracas ne cesse pas
De dire les nerfs des chutes et des ascensions

Les arbres au vertige tiennent 
La main de celui qui glissait sans fin

***	

Pas de je
Qui est-ce je?
En déséquilibre sur la neige
Au vertige de la falaise
S’ajoute le froid

Qui est devant ces morts?
Des dévastations de la terre
Des bras et des machines
Entre les dents d’acier 

D’ocre ou d’ivoire
Ce je devenu d’acier 
Aux dents d'ivoire
Qui vibrait au vent ou à la pluie
Cadenassé en ses bielles et ses images

Une terreur anime 
Une bouche épuisée
De tourner dans la rouille des exactions

Cadavres de paysages
À l’épuisement des vivants
Eau des suintements de blessures
Avec cette terre qui attend le souffle

***

Le roulis de chacun
Le vertige de chacun
Devant cette falaise
La pierre du gong assemblée
En l’espace des chutes
De tous ces humains qui vacillent
La tête dans la cloche des fracas

***


Il n’y pas de parapluie blanc pour nous sauver
Pas de parapluie blanc
Comme un drapeau blanc

***

2022-03-10

De la guerre d’Ukraine nous n’entendons pas les explosions, nous ne ressentons pas les déflagrations, les brusques poussées d’air, saturées de poussières et de gaz. Et les tremblements*.

Nous pouvons l’imaginer, en partie, mais c’est au lieu et dans le corps que ces sensations extrêmes et violentes s’arriment.

Telle est la définition de la violence: une atteinte au corps, un déplacement brusque de l’espace habité et familier, une destruction des lieux construits pour sa présence, une atteinte aux muscles, à la peau, aux os. Les blessures.

*Le tremblement que Glissant met au coeur de se poésie.

***

La falaise
Pierres dispersées à mes pieds
Marcher dans le fracas
Vers le mur
Le contourner 
Monter

***

Sur un pied
Vers une chute
Tombe
La neige en tombe
Un instant
Les longs bras ne m’ont pas retenu
À la renverse du ciel


***

Au fracas
Les os détachés du corps
Le souffle emporté
Le ciel et les arbres
Contre le mur qui avance
Falaise 
Où chutent
Où tombent

***
Contre les pierres
Les murs en lambeaux
Les vallées et leurs fracas

Pas de parapluie blanc
Pour nous cacher de notre histoire
Nous protéger de nos lieux dévastés
Des déflagrations d’espèces et de maisons

***

À la montée 
Perdre pied
Les longs bras gris 

Après le fracas
De l’immobilité de la paroi
Tableau où est peint l’inéluctable
Des chutes et des tombées

Rien ne me retient
À ce ciel découvert
La neige amorce
Le froid à mon dos

***

Tendre les mains 
Attendre des bras gris
Un soulèvement, un allégement

Le fracas des éboulis au loin
Les pierres dispersées en corps fantassins
Gardiens d’une forêt et d’un sommet
Au haut de la falaise le vertige et le déséquilibre de nos chutes

***

Ces hommes dispersés au bas de la montagne
Recroquevillés, prostrés
Attendant, couvert de feuilles
Le souffle d’un apaisement

***

Je n’entends pas les explosions
Leurs souffles ne se répètent pas
Je vois le fracas de la falaise
J’entends le suintement de l’eau
La beauté de la pierre dans chaque geste

***

Pas de parapluie blanc à tenir
Dans les souffles
Entre les débris
Par tous ceux tombés
De nos fracas

***

La condensation de l’image
Son fracas
Au déséquilibre des mots
Le poème
Paroi où halluciner
Un parapluie blanc

***

Transcription
2022-03-11

La pierre c'est ce qui est
C’est ce qu’il y a contre nous
Dans l’espace

Contre nous 
Contre nos corps

Nos corps ne peuvent 
Rompre toutes les pierres

Ils ont percuté les silex

***

Mes yeux ont soif de la diversité du réel

***

La rumeur
Avant le fracas
Déjà dans la pierre

La falaise tend ses couleurs
Aquarelle qui suinte
Dans ma main

Le fracas est venu avec l’éboulis
En déséquilibre
Les gris se penchent
Les blancs sont mon lit
Contre l’éboulis

La falaise 
Le fracas

Que cela ne tienne qu’à un fil
La chute et le renversement
Debout dans le ciel


***

Les mains grises
Pour tout retenir
De ce qui apaise
Avant le fracas
Avant la rumeur
Comme si le silence existait
Juste un corps dans la neige
Pour voir ce dont le ciel est fait


Le fracas de nouveau en nous
Après la petite paix
Cloche sur nos désirs
Nos corps empruntés à l’espace
Découvrent dans les débris
Des accolades imaginaires
Aux sons des chants à inventer
Nous voulons entendre le gong qui arrêterait nos destructions

***


Contre-poème 2022-03-12


Pas de parapluie blanc
Mais drapeau
Devant les chars
Avec tout le courage

La réalité serait-elle guerrière du poème?
En lui se lèvent les hommes et les femmes
Est-ce au prix de leur vie?


Quand entrent dans le poème leurs gestes
Ce n’est pas la guerre qui envahit le poème

Des battements de cœur, des larmes, des clameurs, des cris

La réalité détruit-elle le poème comme un obus perfore?
Le poème n’est-il pas un homme et une femme debout contre la mort?

***

Dans un autre contre-poème, j’imagine
Nous sortons tous au même moment
Ceux d’Europe et d’Amérique
D’Ukraine et de Biélorussie
De Russie et de Chine
Dans les rues bloquant tous les mouvements
Jusqu’à ce que cesse ce qui doit cesser

Les tirs d’obus et la destruction de GAÏA


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