L’inachevé de la joie – 21

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 21
Motel du Haut-phare, Cap-des-Rosiers, Forillon, 
48.85592099081837, -64.20449201712596

31-03-2020

Quelle métaphore trouver pour la pointe de Forillon: Navire, ou paroi de grès, qu’est-ce qui s’avance lentement vers le bout du monde ou la fin du monde? N’est-ce pas l’homme?

Homme blanc couché dans l’eau
Dos d’homme couché dans l’eau la tête en avant

***

Dans la baie de Cap-Des-Rosiers
Les capelans roulent à la fin du printemps
Pour les gueules des baleines
Le long des falaises roses au couchant de Forillon


***

Lentement s’avance vers la fin du monde
Je regarde l'homme couché de Forilon au dos de pierre ciselé
Il n’y a que lui qui puisse dire
Quelle sera la fin du monde
Est-elle faite de ces extrémités du paysage quand il atteint sa beauté?
Ou de baleines échouées et épuisées?

***

La métaphore pour dire le cap de Forillon
Navire, tableau de grès, muraille?
À l’extrémité du monde Gaspé
Un homme épuisé
Au dos labouré
Friable comme le calcaire
De toutes ses pêches et de toutes les famines
Dans les anses de tous les noms donnés 
Pensant la fin de son monde 
Sculpté de soleil couchant
Heureux un instant d’être encore en vie
Sur la plage où les capelans roulent

***

Force ébréchée, mais couchée
De la falaise de Forillon
Homme épuisé, mais vivant au couchant
A bout de force

***

Homme barque épuisé
Couché dans la mer
Le long du soleil couchant
Au dos érodé
Écoutant le dernier souffle des baleines

***

Dans toutes les anses de Gaspésie aux barques déposées sur la rive, les filets étendus et les morues à sécher, des maisons ou des abris, le long du ruisseau qui descend vers la mer, des hommes et des femmes, épuisés peut-être affamés, avant ou après la saison de la pèche, au seuil du long hiver ou au printemps avant la pèche, quand il n’y a plus rien et qu’ils ont imaginé la fin du monde. 


***

Une falaise de craie
Immense de beauté
Au soleil couchant
Le capelan roule
Un autre monde 
Une autre fois

***

	Du motel du haut phare, dans la baie de Cap des Rosiers, ce continuel passage des oiseaux entre la falaise et le phare.

***


Je tente d'imaginer tout le littoral nord de la Gaspésie, de St-Félicité jusqu’à  Forillon, et au-delà le point d’exclamation du Rocher Percé. Je le ressens et je le vois avec tous ces noms glanés la présence de tous ces hommes et femmes au flanc des rivages de poissons, tirant des filets, donnant des noms de lieux aussi profonds que le fleuve, aussi charnels que la  pierre, la terre et l’eau réunies au rythme des marées.


***

Issus du cadavre de l’homme couché dans la mer
Le dos aux vagues
Émergent des cormorans et des guillemots
Traçant dans la baie leurs lignes
Pour le rêveur de pierre qui regarde et écoute
Devant la plage de Cap-des-Rosiers

***

Je peux dire
Regarde tous ces oiseaux qui passent
De la pierre au couchant
Jusqu’au phare qui s’éveille
Leurs passages de ma bouche à ma mémoire
De la falaise à l’horizon
Du ciel à l’eau
Incessantes traversées

Ils m’allègent de leurs vols

***
2022-04-06

Toute la rive parcourue
Jusqu’où la pierre se couche dans la nuit
Avec les oiseaux je reviendrai
Aux falaises qui sommeillent en moi

***
La falaise a la légèreté de l’aile au couchant
D’elle les oiseaux prennent leur vol 
Vers elle ils se fondent au rosé
Dans la baie ils ne cessent de m’enlever
De m’amener où ils disparaissent

***

La pierre qui s’ouvre de ses fracas
Aux oiseaux de bout du monde
Dans la baie en files de mélancolie
De ce monde détruit par nous avec tant de légèreté
Qui nous bouleverse encore de ses passages dans nos mémoires
Où nous voulons sa renaissance 


***

Fin du paysage
Condensé d’ailes
Entre mes regards
L’apparition des fulgurances
De la pierre à l’eau
Du ciel à mon coeur

***
Quand les oiseaux là-bas emportent mon désespoir
Et reviennent du rosé de pierre légère
Dans l’attente du souffle des baleines
Pour notre respiration retrouvée

***

Au bout du monde
Quand les oiseaux émergent du rosé de la falaise
Que reste-t-il à écrire
Sinon notre Terre qu’ils traversent de mes éblouissements

***

De St-Félicité
La ligne de pierre du rivage
À l’eau mêlée de brumes
Jusqu’à Forillon
La joie du rivage et de la marche
Jusqu’à la falaise du bout du monde
Où les baleines creusent l’Océan de leurs sauts

****

À la pointe de Forillon, une fois marché le chemin aux maisons abandonnées, longeant les plages de galets, sur cette pierre en promontoire, voir les baleines sauter. Baleines de Tadoussac, baleines des Îles de la Madeleine, baleines de Mingan. Les voilà imaginées, aux dos lisses de millions d’années d’eau, se coulant dans la mer, et sautant pour nous dire :  Vous serez vivant.

Vous serez vivant
Une fois que vous vous serez arrêtés

****

Sur le promontoire, je ne peux aller plus loin, je ne peux qu’attendre entre les oiseaux qui nous font signe, les baleines, le chant de leurs souffles.

Du chant de leurs souffles, le mien

***

Est-ce temps brumeux
Où l’homme de pierre reçoit la vibration du chant
Entre ses côtes coulant dans l’Océan
Sa tête émergée jusqu’à sa première lèvre

**

Le temps brumeux des récits 
Où les baleines sautent
Hors leurs berceaux de mer
Dans mes regards figés les eaux éveillent des larmes
La falaise au couchant saisie de vivants
Arrêté attendant que le jaillisse le souffle d’un dos noyé

***

La baleine se fige et deviendra le bout de la terre
Où je marche
J’attends que son souffle me surprenne
Et qu’elle bouge avec moi
Vers une autre fin du monde

****

La légèreté de la pierre 
Au vol des oiseaux 
Assemblés par mon regard
Qui recherche a tout instant
La grâce de leur vol
Me liant à leur vie
Traversant les vides entre les battements de mon cœur

***
2022-04-13

Voici l’aurore ce matin
Rosée comme la pierre de Forilon au soir
Légère comme le vol des fous
Évanescente comme moi



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