L’inachevé de la joie – 16

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 16, 
 Lac de l’Achigan, Laurentides, Québec
45.95368551766065, -73.97461914689396

Pour les grenouilles
J’ai tant de lieux sous mes mains

Pour l’écrevisse
Je n’en ai qu’un seul

Lac de l’Achigan

Froide l’eau
Les doigts soulèvent les pierres
Au son du ruisseau
N’attrapent rien

***

J’ai recherché sous les pierres des ruisseaux des écrevisses sans les trouver.
Je sais par ma main vide l’ampleur de ce qui arrive depuis longtemps déjà.
Je continue de penser que nous ressentons cette débâcle dans nos muscles et nos os, viscéralement.

Ajout 2022-02-17:
Je n’ai pas soulevé toutes les pierres des ruisseaux pour trouver des écrevisses, mais je n’en ai pas vu dans les ruisseaux que j’ai rencontrés.


***

La pulsation de l’écrevisse meurt dans le bocal.

Signe pour moi du sauvage, du naturel. Signe rare, disparu.

Ajout:  L’inventaire du ministère des Ressources naturelles et des forêts indique que l’écrevisse des ruisseaux est présente dans toutes les régions du Québec.

Je devais écrire :
Tout le reste de ma vie
Je n’ai pas soulevé toutes les pierres de tous les ruisseaux
Pour trouver les écrevisses

***

Visibles et délicates sous l’eau
Elles fuient à la moindre ombre
(Ma main est une ombre)
Qui glisse avec elles sous l’eau
Elles ont une tête
L’intelligence de leurs mouvements

Leurs spasmes devant la main qui fait une onde

***

Le spasme de la fuite
Devant ma main qui fait une onde
Dans l’eau claire du ruisseau
Yeux en tête d’épingle
Pattes et antennes graciles
Sur le rocher, résistant au courant
Le Courant : celui de leur disparition ou de l’eau claire

**

Après avoir médité sur la maison du lac l’Achigan et de mes  séjours me vient une seule image, celle d’une écrevisse géante se battant avec Flash Gordon - ou d’une écrevisse géante transparente - frétillante au-dessus des paysages - dans tous les ruisseaux.

***

L’écrevisse géante frétillante au-dessus de moi
Ressent-elle mes colères de la disparition de ses frères?
Là dans les ruisseaux de mes marches

Enfant, dans le souvenir du lieu
Elle glisse de mes mains
Jusqu’où n’a-t-elle pas glissé de toutes les mains?

Écrevisse géante, mouvement des eaux
Minuscules fuites dans l’écoulement
Sous ma main de prédateur, sous les rochers

Quand Flash Gordon s’envole
Dans les fumées des fusées
On voit surgir les paysages intacts de toutes les planètes

Quand mes mains rencontrent l’écrevisse
Le lit du ruisseau bouleversé
Pour la prendre je l’imagine

D’elle je n’ai plus que le souvenir
Je suis le prédateur rapide

L’écrevisse géante n’est pas colère
Contre toutes les mains des prédateurs

Beauté incorporée au bleu des disparitions
Au cœur qui bat encore,  je suis dans le ruisseau
Dans lequel je ne ressuscite ni ne meurs

Éboulis de roches toujours recherché
Où l’écrevisse géante tamise le soleil
Où l’eau est plus limpide encore de la montagne

Son bruissement attire le prédateur et la proie
C’est sans main que je devrais m’approcher

J'immerge mon visage en sueur dans l'eau si fraiche
Pour être du battement de la terre et du suintement des rochers

***


Contre-poème ou Anti-poème

2022-02-18

Je n’ai pas encore assez d’informations pour écrire ce contre-poème ou cet anti-poème. Je n’ai pas encore tout lu sur ces écrevisses, ces pauvres écrevisses que je voulais disparues, qui n’allaient plus sous ma main, elles sont si nombreuses qu’on les dévore, qu’on les chasse et qu’on les chasse encore et qu’elles se multiplient dans tous les cours d’eau de France, d’Europe ou d’ici.

Comment poète puis-je être si loin de la réalité!
La chasse à l’écrevisse est un sport connu et les chasseurs le savent.  la vie pullule, malgré mes interdits, malgré mes insuffisantes, elle se remplace par elle-même dans une autre version d’elle-même que je ne connaitrai pas.

Fin du contre-poème

***
En quoi constater que l’écriture serait une joie est une erreur?
Ne vient-elle pas de l’eau?
L’encre ne coule-t-elle pas de la pluie?
Qu’est ce qu’ajouterait au ruisseau, au geai, au corbeau ma colère?
Avec le ruisseau et les pierres, ils me donnent ma vie

***

Je n’ai plus d’écrevisse sous la main pour dire la beauté du monde
Son fantôme est un léger voile dans le ciel
L’eau est-elle encore de l'eau si elle est chargée de plastique?
Est le ruisseau encore le ruisseau si aucun animal ne s’y agite?

***
Ma colère peut venir
Mais elle ne peut-être que contre moi le prédateur

***

Du lac de L’Achigan

J’ai l’impression d’être avec ma mère et ma sœur
Du bleu sur du bois
Une tyrolienne
Et un ruisseau
Avant l’embarquement dans l’automobile pour aller à Montréal
Pour voir Flash Gordon

Le ruisseau des écrevisses

***

Rivière de L’achigan

Rivière de l’Achigan
La rivière tire sa source principale du lac de l’Achigan, au cœur de Saint-Hippolyte, et déverse ses eaux 35 km à l’est dans la rivière L’Assomption, à 3.5 kilomètres au nord de la ville de L’Assomption. Le lac de l’Achigan, quant à lui, s’approvisionne par la décharge du lac Jimmy, du lac des Sables, par la décharge d’un ensemble de lacs dont le lac Malone, Lac des Chûtes, lac Duffy, lac Beaudry et lac William; par quelques ruisseaux de montagne, par la décharge du lac Molson,par le ruisseau Morency drainant le lac Morency et par la décharge du lac Renoir. *** L’eau est faite de millions de fantômes d’écrevisses Elle coule dans ma main Je ne garde d'elle qu’un souvenir d’une certaine sauvagerie Et un visage apaisé *** Ruisseau, écrevisse agile, Tremble, sillon d’eau, le bouillonnement Des mains, cinq doigts, garçon Une feuille morte, plonger, immobile Le vide, accent aigu, le bateau Frontières ou rêves, cailloux, après Second souffle, algues, aux ongles Carapace, fuite, trouver Sur le chemin, le son, si près Fraîcheur sans limite, cercles, roches Un peu de boue, lave, lavé, branchies Au-dessus, chant, érable Geai, falaise, pierre Amour, jusqu’à, emportement *** Écrevisse Vide au-dessus de tous ces ruisseaux Sans mes doigts Appel *** Contre poème 2022-02-22 Écrevisses rouges Envahissant tous les ruisseaux Par milliers dans les rivières À pleines mains les prendre *** De cette vie donnée Le prédateur Sur toutes les planètes À foison Lacs à la chaine Asphyxie Il vogue sur l’eau Ses doigts rougis sur la pierre Dans l’eau plus que l’eau Extinction sans frontière Pour qui tue De sa seule présence *** Marche, marche les sentiers Chasse, chasse les souvenirs Ruisselle, mes peines Assoiffe, les vivants Fantômes de mes atmosphères

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