Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Emprise d’Hydro-Québec,voie ferrée du Rem, Montréal, Québec
45.51420522949176, -73.73545492099349
Temps réel de l’écriture. L’écriture - l’écrit - apparaît comme un temps alors que c’est un lieu ( ici actuellement). Un évènement disséminé.
L’emprise d’Hydro-Québec longeant le chantier du Rem. Herbes mouillées sur les jambes. Souliers trempés. Flaques d’eau.
***
Sentier de terre façonné par les cyclistes, voulant circuler sur l’emprise d’Hydro-Québec, le long de la voie ferrée du Canadien Pacifique, devenue propriété du REM.
***
Hautes herbes blanches de leurs fleurs. Les frôler, les sentir jusqu'aux épaules, en cet été 2022, l’abondance toujours possible contre nous. Elle devrait nous étouffer.
Elle devrait passer à la vitesse supérieure, à une autre abondance, issue des étoiles, des vivants, pour nous faire abdiquer, nous obliger à nous retrancher derrière nos murs avant de les gruger, de les abolir, nous envahir de leurs odeurs, de leurs fruits, et de leurs poils, de leurs muscles.
Le long des nouvelles voies du chemin de fer à poutre de béton et électrifié, je voudrais qu’elles soient l’attente d’un envahissement, une veillée calme de nos défaillances à venir
***
De l’image de James Web, celle de l’univers, en moi, avec ces fleurs me frôlant, jusqu'à la lie, la force et l’intelligence des humains dans ces yeux de métal, capteurs de sensations et d’énergies que nos corps ne possèdent pas.
La question se pose de nos machines, de ces extensions de nos corps. À bicyclette, pendant que je passe dans ces champs, avec cette machine, à un million de kilomètres, James Web enregistre les fulgurantes énergies pour qu’elles soient vues, revues, analysées, enregistrées par des machines et relayées dans nos mémoires, inscrites dans nos savoirs, pour déployer notre représentation de l’univers et de ses lois. L’univers connait-il ses propres lois puisqu’il les met en œuvr? Nous sommes issus de ces lois, de leur aspect inexorable et de leur application créant l'aléatoire et l'ordre.
Réflexivité de l’univers sur lui-même, conscience l’univers par lui-même, de la même façon que les fleurs que je frôle enregistrent ma présence, quand je ressens le contact de leurs effluves.
Le télescope reçoit l’énergie de l’univers, la recompose et nous la redonne.
La poésie dans cet univers est un acte minuscule, insoupçonné et espéré inédit.
***
Penser dans les sentiers d’eau.
***
Des fleurs arrachées au paysage
Un sentier tracé de roulements et de pas répétés
Hautes fleurs blanches jusqu’aux épaules
Émerveillé et agacé de leurs présences
En poursuivant le chemin
Où elles croissent, merveilleuses
Contre mon torse, de la vélocité du bicycle
La force des fleurs
De retour sur ce chemin
Va-et-vient vers le travail
Le long de la voie ferrée
Je traverse
Sauvage,la friche
Liberté de passer où il n’y a encore qu’un chemin de terre
Pour les renards et les bernaches
Entre les herbes qui mouillent après la pluie
En contournant les flaques d’eau ou de boue
Les grenouilles dans les petites mares disparues maintenant
Le chemin de terre est ce qu’il y a de mieux pour elles
Autour de moi des herbes, des arbustes, des animaux
Je les accompagne
***
En entrant dans le paysage, je l’altère. Il faut savoir, apprendre comment entrer dans le paysage et l’accompagner, le dire en le modifiant, nécessairement. L’écriture et la poésie sont une façon d’y arriver, par le souvenir de paysages. Par exemple : Côte de la Gaspésie, coin du banc, en ce moment.
***
Les paysages que j’ai fréquentés peuvent être écrits, mais je ne peux noter toutes leurs itérations. Ceux que j’ai parcourus à intervalles réguliers comme la traque ou le chemin de l’emprise d’Hydro-Québec, je ne peux dire toutes leurs modifications.
Pour la première fois de si hautes herbes, le Rem en chantier, un pont en acier pour le train. Bientôt le bruit constant du passage des rames. Un certain silence hier pendant les vacances de la construction. Les fleurs qui collent peu à peu sur mes jambes, sur mes cuisses. Le bonheur tout de même de ce chemin, puis plus loin, le Boisé de liesse, en un sens magique, et son ruisseau.