L’inachevé de la joie, essai,poésie, récit, 2023

L’inachevé de la joie tente de saisir la mémoire du poète par l’écriture des lieux qu’il a parcouru ou habité. L’inachevé de la joie met l’accent sur la joie d’être au monde dans l’espace. Il propose une lecture du monde a travers les expériences liées aux lieux et non une expérience du temps.


Retourner de mémoire aux lieux parcourus

Aux lieux habités

Les parcourir de nouveau

Les habiter de nouveau

Autant de fois que ma vie me permettra

De retrouver leurs joies

L’inachevé de la joie est présentée par séquence d’écriture qui parlent d’un lieu. Un même lieux peut-être présent dans plusieurs séquences. Un index permet de naviguer dans ces lieux. Dans la section Lieux vous pouvez parcourir les écrits relatifs à ces lieux.

Entièrement humain

Entièrement humain


Tous les lieux
Baie de Tadoussac, Tadoussac
Bassin, Îles de la madeleine, Québec
Centre-sud,Montréal, Québec
Collège André-Grasset, Ahunstick, Montréal
Emprise Hydro-Québec, Voie ferrée du REM, Montréal, Québec
Forillon, Gaspésie
Kamouraska, Québec
Lac de l’achigan, Laurentides
Millerand, iles du Havre-Aubert, Îles de la madeleine, Québec
Montcalm
Montréal, rue du parc, Québec
Place du Trocadéro, Paris, France
Rivièere Trevillet, Tintagel, Cornouialles, Angleterre
St-Félicité, Gaspésie
Venise
Wenthworth-Nord

L’inachevé de la joie – 37

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Rue Drouart, Montréal, Québec
45,43941, 12,32735


Les souvenirs se condensent, s'enchevêtrent,  se définissent et forment la maison de bois et de briques.

***

Habiter, c'est accueillir.

***

Ce qui est habité, le lieu à habiter est-il dans la même dimension du lieu que l'espace parcouru? À partir de ce qui est habité, je puis me projeter. Le lieu habité avec lumière, sa forme permet une extrapolation, diffuse ses éléments dans les autres lieux. Le corps qui habite reçoit du lieu habité une certaine dimension, une forme qui l'accompagne.

***

La maison dans l'espace-temps, au même lieu,  où il semble que rien ne bouge, un rocher dans l'eau-évènement.

Le lieu habité, en sa lumière, ouvert et fermé, des paroles y résident qui semblent disparues, mais demeurent entre les murs protégeant du froid et de l'extrême chaleur.

Les images qui me viennent sont aussi celles des actes des personnes ; tournoyant de leurs présences.

Leurs présences en tourbillons autour de moi.

Dans les évènements de ces lieux habités, le corps, ses gestes et ses paroles, vivant, mobile d'un lieu à l'autre, en ses propres tourbillons.

***

Tremblement de terre Turquie, Syrie, février 2023

Au cœur du tremblement de terre l'habitant, et l'habité effondré en lui et hors de lui. De l'effondrement de la maison, l'habitant tremblant de tous ses membres.

***

Les éléments de l'habité et sa forme se prolongent dans l'espace-temps, accompagnent le corps, quelques minutes, quelques heures. L'habitant y reviendra. L'habité signe du retour. 

Le signe du retour habité
Oui, je reviens dans la nuit
Mais si effondré l'habité?

Ainsi la terre, en ses mouvements de lave, de contraction froide, de glissements d'écorce, de plaques tectoniques, si lentement,  aux lieux des failles, le tremblement dans les membres de l'habitant, dans ses histoires, dans ses os,  jusqu'à l'effondrement de sa maison, inhabitée. 

La maison habite l'humain qui l'habitait.

Si l'effondrement arrive de cette maison, au plus intime, en soi.

Devant la maison effondrée les voix des proches, muettes. Voix disparues, habitées. Les décombres, les odeurs de mort, la poussière, les débris au-delà du carré de la maison, dans la rue, dans la cour.

Debout devant ce qui reste avec en mémoire les pièces de la maison, les meubles, les couleurs des murs, les tableaux, l'horloge, la lumière du matin.

***

Ce qu'il reste dans ma mémoire du split-level de mon enfance rue Drouart, de la forme des pièces, de l'agencement des chambres, des paliers, des escaliers.

Le split-level s'explique par ses demi-étages. Bungalow qui donne du luxe au salon par la hauteur des plafonds, son volume.

***
Si l'habité m'accompagne dans mes marches, dans les boisés, dans les prairies, dans les rues, à bicyclette ou dans l'autobus : la sensation de la maison.

***

Je pense dormir
Où l'effondrement d'un corps
Vibre encore dans ma mémoire

***

Le foyer en pierres des champs. Comme une petite falaise, dans sa caverne les feux. Les étincelles sur le tapis.

Le foyer, l'habité.

***

Dans la marche, au-delà du seuil,  l'habité est transporté avec soi. Le sédentaire et son lieu, où le retour, pour la nuit et les nuits.

Lieu, comme en soi, se défaisant, se construisant, avec le corps, en ses dimensions,  le prolongeant. L'habité : une prolongation et une limite aux gestes.

***

Si je peux dire que Glissant (Édouard Glissant) a toujours marché sur  une terre de tremblements, je peux dire que j'ai toujours marché sur un sol de glaise, instable, glissant, mal assuré.

Marche dans la glaise, incertitude de mes écrits et de mes marches. La boue et la glaise dans mes marches. La glaise sur laquelle on ne peut édifier les murs de pierres.

***

L'habité non pas comme un cadre ou un espace abstrait codifiable, mais avec ses habitants et leurs trajectoires d'espace-temps, lieu qu'ils habitent, qui accompagnent leurs déambulations, vers le retour ou  au départ, comme un mythe ou peut-être un rêve. 

***

Le foyer de pierre de ma maison d'enfance et la glaise de mes pas. Mes pas de glaise sur le plancher de la salle familiale (le den).  Mes pas laissant un résidu concret, une trace de boue, une lisière de terre sur le sol.

Sur le sol instable de glaise, mes pas dans les limites de la maison, glissant avec la Terre  dans l'espace, au sein de sa mémoire habitée.

Au-dessus du feu du foyer, la chaleur des pierres, contre ma main, leurs formes ( et la clé du foyer), issues des caldéras, des éjections de laves coulées en rivière de feu, dans le tremblement.

***

Des personnages tremblent et transitent dans cette maison : le père, la mère, les fils, la fille.

***

Du rivage, la falaise s'élance, en ardoise, noire, glissent mes pas sur le mur de pierre. Je m'assois, devant le feu, dans la glaise de mes pensées.

Pensées de glaise pour façonner un monde de mots?

***

Cette marche dans la glaise est une marche dans l'incertitude que nous produisons, une marche oũ à tout moment la chute est possible, dans la terre elle-même, dans sa boue. Nous émergeons habillés de terre, habités par elle.

***

Dans cette maison quelles étaient mes félicités?

Aller chercher le bois et les papiers journaux, préparer le feu, l'allumer avec une longue allumette. Me coucher sur le tapis et  entendreles pétarades des bûches.

***

Le berceau de pierre et la machine à calculer.

Pour le calcul, la machine à calculer résonne sur la pierre, entoure le feu de son son,  déclenchée par les  mains agiles et précises, vieillissantes, du père. Le calcul envahit la pièce, aux rideaux jaunes, au tapis orange et brun, où assis, regardant le feu, dans la maison, demeure sise sur cette terre; avec elle, mon espace-temps, notre espace temps. Moi, lui et les autres, transportés, emportés dans cette maison qui nous suit de pas en pas une fois en son dehors, sur la même terre tournoyante, et nous, ce nous éphémère et passager, devant le feu, à attendre la fin du calcul, de la trajectoire de notre emportement, avec les machines et leur puissance de calcul sous les doigts, qui ne peuvent rien contre le mouvement qui nous fait. 

***

Dans ma demeure d'aurore
Un jour les doigts de rose
Me prendront

***

Les chiffres à la main écrits sur une tablette quadrillée ( appelée Ledger)  verte au feu jettée.
Mon visage est rouge.

***
Les nuages rosés maintenant 
Derrière les vitres de ma fenêtre et de ma porte

***
Photons de un million d'années sur ma peau
Je vis dans mon continuel  passé
Qui m'illumine de ses rosés
Qui me happe de ses aurores
Où j'ai été lumière des lieux
Où j'ai été la nuit de mes souvenirs

***
Mes pas de glaise
Mes cils d'air
Mon espace de lumière 
Dans tous les lieux m'offre ses vivants
Je glisse dans leurs félicités

---

La glaise fait mes pas
L'air mes cils
La lumière me fait espace
Chaque le lieu m'offre tous ses vivants
Je glisse dans leurs félicités

***

Dans la maison imaginée incendiée, tremblante, oscillante, je ne vois que la structure de bois brûlée, les murs ont disparu, l'air de l'automne sur ma peau, l'odeur de bois mouillé calciné, j'avance vers l'escalier disparu, je vois le toît ébréché, un rectangle de ciel, mes pas font trembler la maison. Je risque l'ensevelissement, aux côtés des habitants disparus, mon corps enfumé, de plus en plus léger, se défaisant en plaques de glaises.  Le feu fait s'élever les scories des corps et des habitations, comme dans une histoire de guerre, la flamme embrasant sans que l'on ne puisse rien y faire, sinon après le feu issu  du foyer, parcourir la maison et emporter les images de sa forme.

***

Le corps de glaise
Au coeur de la brûlure
Marchant avec la maison
Dans les pas d'une prairie
Aux ciels sans chemin
Mon cœur de terre expire
Les lignes de mes mémoires s'effaçant
Elles s'évanouissent avec moi
Respirant avec les disparus et les vivants
Les floraisons de leur printemps

***

Le corps tout entier dans le geste, celui de marcher, de peindre les dessins de chevaux sur la pierre, ou d'écrire.

***

La maison sans bruit
Est-ce le matin?
Sur le tapis doré pieds nus
Je suis debout
À regarder la lumière naître
Entre les longs rideaux du salon
Je m'assois pour respirer
Le sourire de ma mère

***

Chat GPT

On dirait que c'est ce que fait l'écrivain, il assemble des mots, les ajoute  un après l'autre, pour former des phrases, mais ce n'est pas tout à fait ça, ses mots, ses phrases sont de son corps et de ses souvenirs, de ses expériences et de ses défaites, de la langue apprise d'un autre corps, issue d'un autre corps avec sa mémoire et ses sensations, données avec la langue qui n'est pas qu'un assemblage de mots, qu'il fait vivre de son imaginaire. Elle est aussi ses rires, ses sourires, ses pleurs, sa voix.

La voix et le corps de ce qui écrit, avec le corps et la voix.

***

L'indéfinissable du vivant.

***

N'est-ce pas parce que nous avons oublié notre relation au vivant, de toute part, que nous pouvons parler de Chat GPT comme une avancée majeure! Un grand pas pour l'humanité.

***

Le corps dans l'habité, où l'écriture se produit, de sa main, de son bras, de sa respiration, sans contrepartie. Un jeu de formes inscrites en lui, et lancé, là où il vivra. L'aurore lissant les mots de ses nuits, son corps à l'arrêt ou en mouvement, en ce lieu, en souvenir d'une maison habité le long de ses phrases, avec ses pas de boue, jusqu'à la maison où il écrit, ayant laissé à la terre,  de pigments, de silices, de respirations, d'autres mots,et  son corps avec les autres vivants.

***

La légèreté de la structure de bois brûlé, mes pas de boue sur le plancher saturé de décombres, entre les présences allumées puis éteintes, mes pas marqués, définis, par la terre. Sous un ciel entre des noirs affirmés, déployés, accompagnant ma marche, j'habitais, montant les escaliers, incertain de ma chute ou de mon essor, devenant progressivement de boue, lent, de plus en plus lent, me figeant là où le ciel rejoint le toit, où il pleut.

***

Où se jouent les scènes de la famille, chutes, rires, tremblements, larmes , évanouissements, cris , vociférations des corps, entre leurs paroles, dissimulés ou présents, avec leur mémoire du bois, des briques, des tapis, des draperies, des tapisseries et des feux.

Dans le salon une tapisserie, décor de ruines romaines.

***

Habité par des voix, mes souvenirs, en ce lieu, devant l'aurore.

***

Homme de glaise
Maison debout

Couvert des signes de sa vie
De fleurs, de défaites, de blessures, d'enfance
Maisons de boues à la main façonnées
Aux toits de branches
Avant les pierres et le bois
Après les abris et les tentes d'os

Humains qui marchent se défaisant de leurs signes
D'autres images sur eux florissantes
Des fleurs, des herbes 
Ombres et montagnes, vallées et ruisseaux 
Emportant le paysage et la demeure
Traces d'eux dans chaque lieu parcouru

Humains qui font un signe
De glaise doucement le long des rives
Assis ou debout, sur eux et en eux les mémoires des passages 
Des frontières traversées des déserts bus

Maisons de boue formées de leurs mains
Humains de glaise faits de leur terre


***

L'habitant de cette terre
En sa maison
Emporte avec lui
Ce qui l'habite


***

Ce qui est avec moi
Pour être avec d'autres
Transporté
Au-delà des murs

Les parois translucides
Se dissolvent
En chaque pas 
Chaque herbe apparaît
Dans une autre main

***


La maison n'est pas brûlée, elle est encore debout. Des vivants sont morts, ils sont des souvenirs, on disait ombres, des passants de pensée, où ils habitaient, avec moi, je les vois encore. Je sens les parfums de ma mère, les doigts jaunis du père. Le feu devant lui brûlant les papiers contaminent l'atmosphère de chiffres. Dans le salon, au-dessus des ruines romaines, le toit de bois et devant les ruines les hautes fenêtres habillées de drap d'or. Un fauteuil au dos haut, je lis la maison et les passages de ceux qui l'habitent.

***

Ne pas oublier que la maison est réceptacle de mes joies.

***

Maison de boue soudée à son lieu
Corps de glaise se défaisant lentement
S'incorporant à la terre

Corps de glaises terrestres
Avec la boue des murs
Contre moi et autour de moi

Sur ma peau de terre 
Les passages des astres
Mon corps et la maison 
À la terre amalgamés
Avec la lumière qui les a innondés

Habitant des lieux
Je les emporte et les donnes aux autres lieux

**

Empreintes des lieux dans le corps
Autres lieux du corps sur la terre
Corps dissous lentement en chaque lieu
Les emportant avec lui dans sa maison de boue
Autour de lui ouverte sur lui
Rassemblant ses empreintes et sa mémoire des lieux
Les vivants inscrits en lui
Se défaisant en lambeaux de terre
Devenant terrestre à mesure de ses marches


***
La rue, espace-temps, la maison, avec la rue, lieu habité, que je déplie dans ma mémoire, avec ses évènements soudés à sa forme, dite de boue ou de bois, de briques ou de pierres, dite d'homme de glaise ou de corps qui écrit,  dans la maison et avec elle, ses soleils et ses lunes, virevoltant, avec ses passagers, vaisseau, demeure encore, pour celui qui se souvient que tout ce qui vient à lui  est déjà du passé. L'aurore qu'il respire de ses rosés se termine avec l'espoir dans cette maison où il écrit que dans ce tournoiement, ceux qui habitent avec lui soient de cette terre, homme et femmes de glaise, tous leurs passages en eux, leurs drames, leurs larmes et leurs joies, fleurissant sur leurs corps, noués à eux puis se détachant d'eux, dans la terre, dans leur terre, en leur terre, ma terre.

***

En somme le lieu de l'habité, une rue ouverte sur la lumière du lieu, où ses joies et ses douleurs, où le matin le soleil innonde le corps. Autour, dans les champs, il devrait y avoir des arbres fruitiers, des cultures, des oiseaux, des animaux. En sortant de la maison, l'on devrait pouvoir marcher pour ceuillir une part de ce qui est donné.

***

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Montréal – rue Drouart – Nouveau-Bordeaux – Québec , Poésie , Récit , Site web , Web


Entièrement humain

Entièrement humain

L’inachevé de la joie – 36

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Rue Notre -Dame, Saint-Henri, Montréal, Québec
45.47885055710497, -73.59024768559107


Lieu enclavé, non pas oasis, séparé par une traque. Un peu en dehors ou détaché de Montréal, en bas, comme dans une cuvette, sous la richesse, de l'autre côté du promontoire de la falaise, où l'on vit dix ans de plus. Saint-Henri où l'on vit dix ans de moins.

Âpreté du lieu, sa nécessité, pour ce qui est, ultimement, le nécessaire, le suffisant pour vivre, en deçà. 


***

Saint-Henri apparaît tel une cuvette, un lieu presque en retrait du monde, non pas à l'abri, au bas de la falaise.

Ancien, fragile, à l'ombre de, ces grands du haut, où l'abondance trépigne; la sueur, l'odeur de cigarette, de fumée, une noirceur, un gris, des maisons vieilles, mais debout, de part et d'autre de la traque.

***
Quand je pense à Saint-Henri, je pense à la nécessité, à quelque chose d'élimé, à un certain dénuement 
des maisons, des rues, des gens, à une âpreté.

***

Du lieu, les dimensions ajustées étroitement aux choses, leur laissent peu d'espace de jeu, serrées, la définition minimale des choses correspond aux choses, une banque n'est qu'une banque, dans le regard, elle coïncide avec une absence de marge de manœuvre. Les trottoirs apparaissant mats, sans artifices, au plus près de leur définition, recouverts au plus près de leur lumière. La respiration du passant, des travailleurs, étroite, sans possible extension, vestige des charbons dans l'air, des éclipses d'air, des suffocations le long du canal, caché, inaperçu, son eau salie de déjections, encore polluée; quand l'eau est devenue plus claire des gens d'une autre classe sont apparus, se cherchant des hauteurs, dont moi et mes jobs d'étudiants, regardant, se mirant, jugeant tout en essayant de comprendre la rue Notre-Dame, de Atwater à de Courcelles et au-delà, ce lieu, dans mon souvenir, avec ses passants, peut-être débonnaires ou fatigués; ce lieu fatigué, mais debout. 

***

Déambulation sur Notre-Dame,  en franchissant le viaduc, apercevant en bas, les maisons de bois de Gabrielle Roy, pensant à leurs murs qui vibrent au passage des machines.

La machine, dans cet espace-temps, est aussi une voiture, un char.

***

La traque qui traverse Saint-Henri, ne savoir d'où elle vient, ni où elle va, en bas de la place Saint-Henri, fosse, dépression où passent les trains, les entendre, les ressentir, faire corps avec Saint-Henri, ses tanneries, ses cigarettes et son alcool. Âpre Saint-Henri, sa tessiture  de travail, de renoncements, de paroles, d'entêtements. La traque qui traverse Saint-Henri n'est pas une balafre, elle fait partie de ce paysage de nécessité, lieu nécessaire à la fois pour ses habitants et pour la machine, mobilisant leurs corps, leurs soifs, leur respiration. Chaque corps découpé dans sa lumière, définissant chaque angle avec précision, assignant les choses leur place, à une crudité de couleurs, de matières. Comme jaillissant sous plusieurs couches de poussières et de smog, malgré tout, cet espace-temps, résistant, non pas en guerre, mais en tranchées, tenant le coup, en attente, sans espoir, décisif.

***

Au-dessus de Saint-Henri, à son Ouest, après tout ce temps. Celui des tanneries, des usines, du charbon, des étouffements, de l'échangeur Turcot, d'où les carbones, où les poussières sur les toits, dans les fenêtres, où la respiration de dix ans plus courte, maintenant sous un hôpital aux couleurs... vives... vivifiantes... criardes... un affront à cette vie écourtée.

***
Machine-o-cène

Voir article du devoir du 24 décembre

La scène de la machine a commencé depuis bien longtemps. L'exercice du pouvoir, de la domination, décuplé par la vapeur, depuis très longtemps. Ce n'est qu'un souffle dans l'espace-temps de l'univers.
S'il est vrai qu'il s'agit bien d'une machine-o-scène, d'un marchandise-o-scène, d'un capitalisme-o-scène, c'est la conséquence de la civilisation occidentale, auquel tous participent plus ou moins volontairement, par l'achat de marchandises, aujourd'hui des marchandises impliquant - provoquant des destructions en une interaction inéluctable de l'environnement Terre.

***

Face à l'évènement civilisation occidentale, l'univers répond et sanctionne : ce n'est pas le bon chemin. Mais où donc est le chemin.

***

Le contre-poème serait celui qui marche de retour de l'usine à Pointe Saint-Charles, le long du canal, épuisé, vers son logement à peine chauffé, à pied...

***

Dans cette machinerie, l'espace des échanges, qui n'est pas un lieu, l'espace de notre rétribution, de transferts, d'équivalences, où les machines, où le mécanisme de plus en plus décident.

***
Au reflux global nous opposons la responsabilité entière

***
Les machines me parlent
Me donnent des réponses 
Des trajectoires
Des nœuds rouges

Sur la rue ceux qui passant
Avec leur regard sur moi
Sans réponses
À Saint-Henri

***

Cette fadeur indicible de l'horizon, mais la trame de la rue, la trame d'os des habitants, leur ténacité, où la machine évacuait l'air, expirant l'atmosphère, prenant.


***

La machine me condense contre une page
Contre un mur
Contre une chanson étendue dans la fumée d'une taverne
Je la remonte pour la fumée des expectorés
Je l'alimente quand elle sucre des corps
Elle emporte le canal vers ses eaux boueuses
Elle ne dit que ce qu'elle est 
Au contraire du poète qui veut la débouter
Acculé aux briques et aux crépis 
Ou sous des cheminées ouvertes
Sa marche de hêtre se voudrait légère
La machine n'est qu'elle et voudrait que tous s'ajustent
D'où ces mots dispersés à la surface des corps
Qui profitent comme moi un instant du soleil effacé de la rue Notre-Dame

***
Les Tanneries

L'émulsion dans l'eau
Où des restes de chair lessivés
Où les reflets des visages disparus
Quand elle passe le long des pas
Aux alentours des rues avalées
Les scies des gestes débités
Reçus aux matins et aux soirs
À l'échappée des couchers de soi
Une atmosphère à retirer des corps
Pour la respiration est cela le dimanche ou jamais
Journées rares des sucres Redpath
Au plus loin des charbons d'eau purifiés

***

Pour G.

Sur Notre-Dame, sa robe rose est un coup fumant
La circulation affiche une liste des fatigues tout en gris
Les fumées sont éteintes pour un instant

S'exclure des rouages en nœuds sauvages
Contraindre la montaison des arsenics dans le canal
Lachine en elle extrait des encres 
Au bleu ses pieds nus, son sexe nu

La profondeur n'existe pas au terme du ciel
Chaque vie semoncée et un peu plus effacée
Entre les murs trop papier trop craie de vie
Vagabondage de l'ouest souffle le long des trottoirs joues rouges

***

Sa présence, en ce lieu, sa tessiture, descendue avec moi dans ce joli enfer, tant aimé, ses personnes sont personnages, ses fers des étonnements, sa suie un limon de vie, en attente d'une lumière qui pourrait être avec chacun, non pas le paradis ni la rétribution, peut-être un peu moins d'injustice, elle passe en ce lieu non pas comme l'ange vengeur, mais comme un corps qui veut sa respiration.


***
Tombé sur lui-même, le lieu
En ses trottoirs, ses asphaltes, ses murs
Retombé une autre fois encore
Comme en un cataclysme permanent
Se construisant de ses fragilités
Contre les corps transis de lassitudes
En lui, le lieu, capital
Ajouter des talles de pissenlits, de chiendent
Des musiques que les arbres relaient
Et des cheveux-claviers escapades souris sur le gris des murs
Qu'empoignent les yeux pour faire surgir des amen
Qui hantaient l'Église de Saint-Henri
La Pentecôte de l'espoir, la langue sacrée des soulèvements doux


Sur Notre-Dame, entre De Courcelles et la traque
Où s'ouvre béante la circulation aiguë des convois-voyages
Dormants immobiles dans leurs rêves vitrifiés
Friables jusqu'à la prochaine rue
Avec le trottoir devenu semblable à leurs pas
Une végétation de sensations dans l'atmosphère
Pour joindre à chaque atome des passants
Une autre flamboyance : l'espoir que je leur souhaite

***

Pas de musiques ni de chansons encore pour Saint-Henri, déposé en lui-même, dormeur éveillé, entre deux  passages de train, se retournant dans son lit pour sentir les odeurs de putréfaction d'urines-d'usines, les roues creuses, la mort tombée sur les ouvriers, dix de moins, ans à entendre l'écho des fers. Tel est le lieu de ces corps.


***

Est-ce que je peux dire: avec moi? Ces corps avec moi?

***

Si moi je m'éveille à Saint-Henri, corps-ouvrier, ou corps; j'allume la chaufferette à l'huile, et son long tuyau, payer l'huile, c'est cher, je note la hauteur de la flamme, frimas sur les fenêtres, corps pas d'usine, en cuisine, non usiné, corps que je peux dire intact, entre les frémissements, ouvrant le poêle pour le café, carburant pas encore combustion, en méditation, sans sort distinct, pas encore noyé de travail, attendant à Saint-Henri la découverte du lieu, le long des rails, à l'emporte-pièce, qui se séparent dans mes cauchemars, j'attends que l'huile vienne à la flamme du pilote pour l'alimenter, ma vie se déroule en ce lieu, sur Notre-Dame, vers la fosse du rail.

***

Contre-poème

Corps, pas machine, pas plus que l'air, la nourriture, les rues, dans cet élimé Saint-Henri


		Comme au-dehors, machine, bielles d'usine, courroies


Rejets d'os, de muscles
Hors les corps
Où ils tournent tournent leurs temps
De la résistance de chaque muscle
Jusqu'aux soifs de plus en plus de chansons
Sans mains, les chansons
Pour contredire le bruit
Dans la résonance sans arrêt
Ils s'immobilisent pour une panne de marchandise
Je les imagine cherchant le jour et asphyxie
Les voilà presque arrêtés au seuil des eaux de naissance
Échine nouvelle des tremblements de joie
Ce ciel épuré de son bleu
Sur les épaules de chaque corps léger

***

Ce lieu, la rue Notre-Dame entre De Courcelles et la track, frustre et décapé, de ses multiples tremblements, élimés, au regard, défini et redéfini, émergeant dans une lumière à la fois fade et drue, où elle passe, avec ses couleurs aux joues, et sa robe longue rose. Elle ne donne pas sens à ce lieu, elle l'affirme, ses seins se balançant sous sa chemise blanche retroussée aux manches, le précipité du paysage autour d'elle, devant elle, et devant moi, le viaduc, bientôt le parc, aucune brillance des édifices, des trottoirs, non pas qu'elle soit plus lumineuse qu'eux, les vivants du temps dur de Saint-Henri, elle les accompagne, comprend que comme eux elle est un de ses acteurs, déroule sa marche en scrutant chaque détail des formes attablées à la dureté de l'histoire, l'histoire du lieu fait de faims, de travail, d'épuisement et de joies.

Elle est ma joie dans ce lieu, passant avec moi et traversant la track.


***

Porteur d'eau, porteur de douleur. La vie est une suite d'épreuves, n'est que douleur? À Saint-Henri. Ce qui est difficile, la misère se mêle à la joie.

Contre-poème


Une gigue de chacun
Une rue monte vers la falaise
La dépasse
Un reel de tous les instants
Une gigue de tous les habitants
Un soir de feux allumés
D'arrêt de travail
De faim et d'alcool
Un autre jour
Jusqu'au haut de la falaise
À Westmount où les corps vivent vieux
Dans l'atmosphère enténébrée de leurs déchets
De charbons et de soufres
Mes chansons contre leur brutalité
En gigue, en joie

***

Le chant du contre-poème monte le long de la falaise. Ce ne sera pas pour briser l'élocution ou les demeures des nantis ni les enterrer. Les convoquer à entendre? À entonner avec lesdits habitants, le chant du lieu et des gorges, une marée, une montée d'eau inéluctable, noyant jusqu'au-dessus de la falaise les privilèges et les luxes. 

***

Où est donc la responsabilité entière de ceux qui ont profité de ces corps?

***
Je retiens mon souffle pour l'écriture en ce lieu, en cette chambre, à juxtaposer leurs suffocations à ma suffocation, dans leurs poumons emportés, de mon souffle, insuffisant.

***

Sur chaque lieu, pèse maintenant la main de l'homme, ses exhalaisons, ses mots, plus de lieu sans ses mots, ses phrases chimiques, ses exubérances fossiles. 

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Saint-Henri, Montréal, Québec , Web

L’inachevé de la joie – 36

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Rue Notre -Dame, Saint-Henri, Montréal, Québec
45.47885055710497, -73.59024768559107


Lieu enclavé, non pas oasis, séparé par une traque. Un peu en dehors ou détaché de Montréal, en bas, comme dans une cuvette, sous la richesse, de l'autre côté du promontoire de la falaise, où l'on vit dix ans de plus. Saint-Henri où l'on vit dix ans de moins.

Âpreté du lieu, sa nécessité, pour ce qui est, ultimement, le nécessaire, le suffisant pour vivre, en deçà. 


***

Saint-Henri apparaît tel une cuvette, un lieu presque en retrait du monde, non pas à l'abri, au bas de la falaise.

Ancien, fragile, à l'ombre de, ces grands du haut, où l'abondance trépigne; la sueur, l'odeur de cigarette, de fumée, une noirceur, un gris, des maisons vieilles, mais debout, de part et d'autre de la traque.

***
Quand je pense à Saint-Henri, je pense à la nécessité, à quelque chose d'élimé, à un certain dénuement 
des maisons, des rues, des gens, à une âpreté.

***

Du lieu, les dimensions ajustées étroitement aux choses, leur laissent peu d'espace de jeu, serrées, la définition minimale des choses correspond aux choses, une banque n'est qu'une banque, dans le regard, elle coïncide avec une absence de marge de manœuvre. Les trottoirs apparaissant mats, sans artifices, au plus près de leur définition, recouverts au plus près de leur lumière. La respiration du passant, des travailleurs, étroite, sans possible extension, vestige des charbons dans l'air, des éclipses d'air, des suffocations le long du canal, caché, inaperçu, son eau salie de déjections, encore polluée; quand l'eau est devenue plus claire des gens d'une autre classe sont apparus, se cherchant des hauteurs, dont moi et mes jobs d'étudiants, regardant, se mirant, jugeant tout en essayant de comprendre la rue Notre-Dame, de Atwater à de Courcelles et au-delà, ce lieu, dans mon souvenir, avec ses passants, peut-être débonnaires ou fatigués; ce lieu fatigué, mais debout. 

***

Déambulation sur Notre-Dame,  en franchissant le viaduc, apercevant en bas, les maisons de bois de Gabrielle Roy, pensant à leurs murs qui vibrent au passage des machines.

La machine, dans cet espace-temps, est aussi une voiture, un char.

***

La traque qui traverse Saint-Henri, ne savoir d'où elle vient, ni où elle va, en bas de la place Saint-Henri, fosse, dépression où passent les trains, les entendre, les ressentir, faire corps avec Saint-Henri, ses tanneries, ses cigarettes et son alcool. Âpre Saint-Henri, sa tessiture  de travail, de renoncements, de paroles, d'entêtements. La traque qui traverse Saint-Henri n'est pas une balafre, elle fait partie de ce paysage de nécessité, lieu nécessaire à la fois pour ses habitants et pour la machine, mobilisant leurs corps, leurs soifs, leur respiration. Chaque corps découpé dans sa lumière, définissant chaque angle avec précision, assignant les choses leur place, à une crudité de couleurs, de matières. Comme jaillissant sous plusieurs couches de poussières et de smog, malgré tout, cet espace-temps, résistant, non pas en guerre, mais en tranchées, tenant le coup, en attente, sans espoir, décisif.

***

Au-dessus de Saint-Henri, à son Ouest, après tout ce temps. Celui des tanneries, des usines, du charbon, des étouffements, de l'échangeur Turcot, d'où les carbones, où les poussières sur les toits, dans les fenêtres, où la respiration de dix ans plus courte, maintenant sous un hôpital aux couleurs... vives... vivifiantes... criardes... un affront à cette vie écourtée.

***
Machine-o-cène

Voir article du devoir du 24 décembre

La scène de la machine a commencé depuis bien longtemps. L'exercice du pouvoir, de la domination, décuplé par la vapeur, depuis très longtemps. Ce n'est qu'un souffle dans l'espace-temps de l'univers.
S'il est vrai qu'il s'agit bien d'une machine-o-scène, d'un marchandise-o-scène, d'un capitalisme-o-scène, c'est la conséquence de la civilisation occidentale, auquel tous participent plus ou moins volontairement, par l'achat de marchandises, aujourd'hui des marchandises impliquant - provoquant des destructions en une interaction inéluctable de l'environnement Terre.

***

Face à l'évènement civilisation occidentale, l'univers répond et sanctionne : ce n'est pas le bon chemin. Mais où donc est le chemin.

***

Le contre-poème serait celui qui marche de retour de l'usine à Pointe Saint-Charles, le long du canal, épuisé, vers son logement à peine chauffé, à pied...

***

Dans cette machinerie, l'espace des échanges, qui n'est pas un lieu, l'espace de notre rétribution, de transferts, d'équivalences, où les machines, où le mécanisme de plus en plus décident.

***
Au reflux global nous opposons la responsabilité entière

***
Les machines me parlent
Me donnent des réponses 
Des trajectoires
Des nœuds rouges

Sur la rue ceux qui passant
Avec leur regard sur moi
Sans réponses
À Saint-Henri

***

Cette fadeur indicible de l'horizon, mais la trame de la rue, la trame d'os des habitants, leur ténacité, où la machine évacuait l'air, expirant l'atmosphère, prenant.


***

La machine me condense contre une page
Contre un mur
Contre une chanson étendue dans la fumée d'une taverne
Je la remonte pour la fumée des expectorés
Je l'alimente quand elle sucre des corps
Elle emporte le canal vers ses eaux boueuses
Elle ne dit que ce qu'elle est 
Au contraire du poète qui veut la débouter
Acculé aux briques et aux crépis 
Ou sous des cheminées ouvertes
Sa marche de hêtre se voudrait légère
La machine n'est qu'elle et voudrait que tous s'ajustent
D'où ces mots dispersés à la surface des corps
Qui profitent comme moi un instant du soleil effacé de la rue Notre-Dame

***
Les Tanneries

L'émulsion dans l'eau
Où des restes de chair lessivés
Où les reflets des visages disparus
Quand elle passe le long des pas
Aux alentours des rues avalées
Les scies des gestes débités
Reçus aux matins et aux soirs
À l'échappée des couchers de soi
Une atmosphère à retirer des corps
Pour la respiration est cela le dimanche ou jamais
Journées rares des sucres Redpath
Au plus loin des charbons d'eau purifiés

***

Pour G.

Sur Notre-Dame, sa robe rose est un coup fumant
La circulation affiche une liste des fatigues tout en gris
Les fumées sont éteintes pour un instant

S'exclure des rouages en nœuds sauvages
Contraindre la montaison des arsenics dans le canal
Lachine en elle extrait des encres 
Au bleu ses pieds nus, son sexe nu

La profondeur n'existe pas au terme du ciel
Chaque vie semoncée et un peu plus effacée
Entre les murs trop papier trop craie de vie
Vagabondage de l'ouest souffle le long des trottoirs joues rouges

***

Sa présence, en ce lieu, sa tessiture, descendue avec moi dans ce joli enfer, tant aimé, ses personnes sont personnages, ses fers des étonnements, sa suie un limon de vie, en attente d'une lumière qui pourrait être avec chacun, non pas le paradis ni la rétribution, peut-être un peu moins d'injustice, elle passe en ce lieu non pas comme l'ange vengeur, mais comme un corps qui veut sa respiration.


***
Tombé sur lui-même, le lieu
En ses trottoirs, ses asphaltes, ses murs
Retombé une autre fois encore
Comme en un cataclysme permanent
Se construisant de ses fragilités
Contre les corps transis de lassitudes
En lui, le lieu, capital
Ajouter des talles de pissenlits, de chiendent
Des musiques que les arbres relaient
Et des cheveux-claviers escapades souris sur le gris des murs
Qu'empoignent les yeux pour faire surgir des amen
Qui hantaient l'Église de Saint-Henri
La Pentecôte de l'espoir, la langue sacrée des soulèvements doux


Sur Notre-Dame, entre De Courcelles et la traque
Où s'ouvre béante la circulation aiguë des convois-voyages
Dormants immobiles dans leurs rêves vitrifiés
Friables jusqu'à la prochaine rue
Avec le trottoir devenu semblable à leurs pas
Une végétation de sensations dans l'atmosphère
Pour joindre à chaque atome des passants
Une autre flamboyance : l'espoir que je leur souhaite

***

Pas de musiques ni de chansons encore pour Saint-Henri, déposé en lui-même, dormeur éveillé, entre deux  passages de train, se retournant dans son lit pour sentir les odeurs de putréfaction d'urines-d'usines, les roues creuses, la mort tombée sur les ouvriers, dix de moins, ans à entendre l'écho des fers. Tel est le lieu de ces corps.


***

Est-ce que je peux dire: avec moi? Ces corps avec moi?

***

Si moi je m'éveille à Saint-Henri, corps-ouvrier, ou corps; j'allume la chaufferette à l'huile, et son long tuyau, payer l'huile, c'est cher, je note la hauteur de la flamme, frimas sur les fenêtres, corps pas d'usine, en cuisine, non usiné, corps que je peux dire intact, entre les frémissements, ouvrant le poêle pour le café, carburant pas encore combustion, en méditation, sans sort distinct, pas encore noyé de travail, attendant à Saint-Henri la découverte du lieu, le long des rails, à l'emporte-pièce, qui se séparent dans mes cauchemars, j'attends que l'huile vienne à la flamme du pilote pour l'alimenter, ma vie se déroule en ce lieu, sur Notre-Dame, vers la fosse du rail.

***

Contre-poème

Corps, pas machine, pas plus que l'air, la nourriture, les rues, dans cet élimé Saint-Henri


		Comme au-dehors, machine, bielles d'usine, courroies


Rejets d'os, de muscles
Hors les corps
Où ils tournent tournent leurs temps
De la résistance de chaque muscle
Jusqu'aux soifs de plus en plus de chansons
Sans mains, les chansons
Pour contredire le bruit
Dans la résonance sans arrêt
Ils s'immobilisent pour une panne de marchandise
Je les imagine cherchant le jour et asphyxie
Les voilà presque arrêtés au seuil des eaux de naissance
Échine nouvelle des tremblements de joie
Ce ciel épuré de son bleu
Sur les épaules de chaque corps léger

***

Ce lieu, la rue Notre-Dame entre De Courcelles et la track, frustre et décapé, de ses multiples tremblements, élimés, au regard, défini et redéfini, émergeant dans une lumière à la fois fade et drue, où elle passe, avec ses couleurs aux joues, et sa robe longue rose. Elle ne donne pas sens à ce lieu, elle l'affirme, ses seins se balançant sous sa chemise blanche retroussée aux manches, le précipité du paysage autour d'elle, devant elle, et devant moi, le viaduc, bientôt le parc, aucune brillance des édifices, des trottoirs, non pas qu'elle soit plus lumineuse qu'eux, les vivants du temps dur de Saint-Henri, elle les accompagne, comprend que comme eux elle est un de ses acteurs, déroule sa marche en scrutant chaque détail des formes attablées à la dureté de l'histoire, l'histoire du lieu fait de faims, de travail, d'épuisement et de joies.

Elle est ma joie dans ce lieu, passant avec moi et traversant la track.


***

Porteur d'eau, porteur de douleur. La vie est une suite d'épreuves, n'est que douleur? À Saint-Henri. Ce qui est difficile, la misère se mêle à la joie.

Contre-poème


Une gigue de chacun
Une rue monte vers la falaise
La dépasse
Un reel de tous les instants
Une gigue de tous les habitants
Un soir de feux allumés
D'arrêt de travail
De faim et d'alcool
Un autre jour
Jusqu'au haut de la falaise
À Westmount où les corps vivent vieux
Dans l'atmosphère enténébrée de leurs déchets
De charbons et de soufres
Mes chansons contre leur brutalité
En gigue, en joie

***

Le chant du contre-poème monte le long de la falaise. Ce ne sera pas pour briser l'élocution ou les demeures des nantis ni les enterrer. Les convoquer à entendre? À entonner avec lesdits habitants, le chant du lieu et des gorges, une marée, une montée d'eau inéluctable, noyant jusqu'au-dessus de la falaise les privilèges et les luxes. 

***

Où est donc la responsabilité entière de ceux qui ont profité de ces corps?

***
Je retiens mon souffle pour l'écriture en ce lieu, en cette chambre, à juxtaposer leurs suffocations à ma suffocation, dans leurs poumons emportés, de mon souffle, insuffisant.

***

Sur chaque lieu, pèse maintenant la main de l'homme, ses exhalaisons, ses mots, plus de lieu sans ses mots, ses phrases chimiques, ses exubérances fossiles. 

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Web





L’inachevé de la joie – 34

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Forillon, parc de Forillon, Québec
48.75140637928532, -64.1611787557531


Non pas sphère,  mais objet sphérique, spiralant, en l'espace-temps.

***
	
La responsabilité entière. 

***

La responsabilité entière de chaque lieu, en chaque lieu.

***

Comme le fleuve prend les eaux du Québec et les amène à l'Océan. 

***

Intrication du dessin au corps, des lettres aux corps. Forillon.

****
Forillon évoque cette responsabilité entière.

Les mouvements si précis et inéluctables de la Terre. Sans le verbe, on voit, un instant, toute son étendue, tout son foisonnement.

Il ne s'agit pas du silence, mais du vide foisonnant dans lequel notre corps parle.

Notre responsabilité: ce langage foisonnant. 

***

Notre responsabilité est un langage imaginaire, celui de la terre dont nous sommes faits. Nous nions notre intrication à ce langage.

***

Il est un prolongement de l'univers. Ainsi à  Forillon culmine la côte de la Gaspésie de l'estuaire. Les falaises la prolongent en flamboyant. 

***

La vie sur terre est le résultat d'une multitude d'évènements.

Peut-on nommer l'univers un chaos alors que l'on sait que la vie est organisée, se déroule de façon stricte et ordonnée en produisant des hasards?

Des hasards et de l'ordre. 
Un ordre fourmillant de hasards. Un chaos dont l'ordre provoque inéluctablement notre mort.

***

Au promontoire de Forillon, je vois le hasard à dos de baleine, qui plonge.

***

Une pensée sphérique: le dos de baleine suit la surface courbe de l'Océan, prolonge sa nage, d'un Océan à l'autre, dans la rotondité de la terre. La baleine le sait-elle? L'appréhende-t-elle? Je le sais,  sans le  comprendre, l'influence de la forme de la terre sur la circulation constante de l'énergie et de mon énergie.

***

La falaise de Forillon
Dos de baleines
À mon souffle
À ma respiration

***

Dans une chute
Lancé, suivant la courbe
Dans l'air, dans l'eau


La nage, l'envol
Avec le mouvement circulaire
L'abondance des possibles
Joué dans l'ellipse de l'orbite


Sur la terre dans l'indicible
Avec la rotondité spiralant
À chaque instant rencontrant un espace nouveau
Le souffle lié à Forillon aux respirations des baleines plongeant

***

La responsabilité entière. À cette responsabilité il faut joindre l'émerveillement de ce qui est nommé nature, plus exactement de l'univers et de certaines de nos réalisations.

Comme le satellite James Web. 


***

Ni tombe ni  noyade
Envol en suspens
Sur la terre dans l'indécidable
En accord avec la rotondité spiralée
À chaque instant rencontrant un espace nouveau
Le souffle liè à Forillon et aux respirations des baleines plongeant

***
Le gisant Forillon

Homme ébloui, au bout de ses peines, devenu de pierre, homme fossile couché qui se lève aux eaux salées des vies abondantes, pour coucher des mots. Je passe tout contre lui,  dans la sphéricité de la terre,  invoquant les crues des eaux ou les marées désaltérantes aux sauts de lune, la tête un peu levée devant ce promontoire où s'assoir et embrasser du regard l'eau, le ciel et la peau mouillée des baleines, devenir être de pierre un instant, comme lui, être la côte qui accueille et sur laquelle l'eau se brise et qu'elle brise.

***

Le temps n'existe pas en tant que tel. Son extraction de l'espace-temps du lieu est le signe du travail, du corps harnaché, sans son lieu, sans les imaginations de ces lieux, les cultures de ces lieux.

***

Ne pas entendre le lieu. L'écoute différée du lieu. Au promontoire de Forillon, un vent, le soleil, les vagues en bas contre les rochers. Comme dans un silence. 

***

La responsabilité entière de la terre, dévoilée. Les vivants sur l'entièreté de la rotondité de la terre,  sur l'humus, dans les eaux, sur les pierres aux énergies cosmiques, en chacun des corps, la vibration, sur l'étendue dévoilée des champs, des forêts, des savanes, chacun des vivants, chaque vie au cœur de chacun.

***

Traces minérales des spirales.

***


Vers le fleuve

Categories: En cours de publication , Essai , Forillon, Gaspésie , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 33

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Wenthworth-nord, Québec, Dessin étang 
45.79432051803395, -74.54012210684782


Dans la mémoire l'image est immobile, l'eau est mobile. Où le poème peut-il exister? Quel est son océan, sa rivière, son ruisseau?

Gouttes de mémoires
Images à peine mobiles
Même si l'eau coule en elles

Je vois l'étang
Entre les branches
Et les traits du dessin

Son attente de mes pas
Léger tremblement
Image du ciel et des alentours

Les pieds près du ruisseau
Voilà que le lieu s'imagine lui-même de sa  mémoire
Et invente son lac de castor, ses rochers, ses monts

Les arbres riverains aux feuilles sur l'eau
Le castor en sa demeure
Je m'approche de la rive

L'eau coule au-dessus et à travers les branches
Entre deux rochers gris peut-être rouges
Deux monticules à escalader

Dans le dessin l'étang est petit
Dans la mémoire il est grand
Dans ce lieu mon apaisement

Je peux être détaché des arbres, des buissons, des cornouillers
Je peux être sur la rive le seul vivant entendu un instant
Au milieu des sons de la chute

Mais je ne le veux pas

J'écoute, j'attends
À chaque fois dans la forêt les vivants se dérobent 
Dans ma mémoire l'étang est un témoin précieux de leurs fuites
Comme l'eau qui dicte mes pas
Comme le ruisseau qui me conduit à l'étang

***

Peut-on dire que le poème, que le dessin sont intriqués, sont parties prenantes des lieux évoqués. 
Ainsi on pourrait distribuer physiquement ces écrits dans ces lieux, faire des livres perpétuels en ces lieux. 

***

L'eau est aussi obstacle, elle expose le mouillé, elle oblige la nage, elle peut impliquer la mort. La fluidité de l'eau, sa plasticité enveloppe, détermine une action impérieuse.

Si l'eau est notre premier élément, il peut être le dernier.

Alors que l'espace du sol peut lui aussi offrir des obstacles éminents, l'eau impose une action impérieuse: l'éviter, nager, flotter.

Étrange que l'élément fondateur de notre vie nous soit hostile à cause du fonctionnement de notre corps axé sur la consommation de l'oxygène et du cycle du carbone.

***

Les ombres sur la colline
Se déversent sur moi
Où coule l'étang j'entends le son 
De cette déflagration
Pour respirer il suffit de ne pas se rompre
Le souffle est ce qui écoute
Pour respirer il faut regarder l'étang et ses reflets
Attendre le castor ou le corbeau
Aimer l'engoulevent, le pic-bois, le corbeau
Il me faut lentement me déplacer au moment où tombent sur moi
Les rochers, les branches, le sol lui-même
Comme l'étang se déverse vers le ruisseau en son remugle
Coulent sur moi les fragrances, les bruits, les sensations de l'eau

Je la reçois de tout mon corps
Avec la colline, l'ombre et la chute

***

La terre est ronde et pourtant, il y a toujours un lieu plus lointain, à découvrir, il semble.

Chaque éclat de pierre, chaque branche tombée, chaque brindille ne peut-être découverte. Le foisonnement des vivants et de leurs évènements, qui semble hanter ces lieux, ne peut être décrit ni effacé, malgré toute notre volonté de destruction, de mort.

**
Un sentier longe l'étang et devient chemin. Il y a un plus loin que l'étang, un plus loin que la montagne, un plus loin vers la falaise entrevue au sommet de la montagne que j'arpenterais. Il y a des rochers, des eaux, des feuilles, des animaux attachés à la rotondité de la terre, ils tournent avec moi, le long de mes spirales, intriquées comme moi au sol, à l'eau, à l'atmosphère.

Nous sommes les chambres d'échos les uns des autres.


Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Web , Wenthworth-Nord

L’inachevé de la joie – 32

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

7 paysages de Robert Morin,  Rencontres internationales du documentaire de Montréal - RIDM en novembre 2022, vu au Cinéma du parc, Montréal, Qu`ébec


Comment l’amour peut-il triompher? L’amour du lieu, l’amour de la rivière, si précieux.

Robert Morin a filmé un  méandre de rivière et ses environs contemplativement, patiemment, en sept cadrages fixes,  pendant trois ans, en toute saison.

Je vois la rivière, la force l’eau, son abondance, ses cycles d’orages et de paix. Je contemple sa beauté et ce qui l’entoure, à quelques pas de la maison de celui qui filme, qu’elle approche de ses eaux.

Eaux gonflées, eaux gelées, eaux des saisons, toujours mobiles. Comme la vie.

Ce n’est pas cependant la métaphore choisie par celui – ou ce – qui filme.

Le temps. Et pourtant, il s’agit bien du lieu et de ses espaces-temps qui est filmé.

La caméra est-elle sujet? Si elle l’est, elle est enfermée, patiente, immobile.

L’image de cette immobilité coule d’une scène à l’autre par la mobilité de l’eau. La rivière, son coude, son méandre, là où elle change de sens, est filmée dans le mouvement de ses changements. Ce sont ces changements qui mobilisent l’image. Ils font que la caméra et le cinéaste se déplacent d’une scène à l’autre.

La bande sonore remarquable de Catherine Van Der Donckt est saturée de bruits, de chants, ceux de la forêt, de la rive, de leurs vivants, et des sons de l’écoulement de la rivière, mais aussi ceux d’autres lieux. 

Son abondance est toujours prégnante, alors la nature est fantasmée pour sa présence sensible si chère à celui qui enregistre le lieu.

Présence sensible, changeante, toujours changeante, si souvent merveilleuse et merveilleusement captée. L’eau fait cela à l’image, elle la mouille, et la fait glisser vers l’autre séquence. Ce glissement est appelé le temps. C’est l’évènement-rivière qui se poursuit, rencontré par les évènements-caméra. 

Le cinéaste, celui qui met en œuvre ces évènements-caméra n’est pas visible, bien qu’il en fasse partie. Son absence désigne la rivière et ses alentours, proche de l’habitat, comme le sujet du film. Le cinéaste est avec le lieu dans le lieu.

D’une certaine façon, c’est un lieu qui se filme, qui s’enregistre, un des vivants de ce lieu qui l’enregistre comme les autres vivants. Chacun des vivants enregistrant le lieu à sa façon. Créant une chaîne d’évènements avec l’évènement-rivière.

Ces vivants, si on les entend dans la bande sonore on ne les voit presque pas.

On ne sait pas pourquoi
On ne peut pas le savoir.

Au printemps, les oiseaux sont si présents et beaucoup nous quittent à l’automne. Leurs piaillements et chants se font plus rares.

Le cinéaste imagine une guerre*, pour montrer la fragilité du lieu et son amour pour ce lieu. La guerre s’opposant à l’amour.

Pourtant, la tragédie n’est-elle pas que les chants des oiseaux et  les bruissements des animaux diminuent, et s’éteindront peut-être un jour alors que le son de la rivière restera le même?

Ultimement, le lieu reprend ses droits, la rivière coule, enchaîne ses cycles d’eau, oublie les humains ( la caméra la quitte à la nuit). Elle gèle, fond, tourne, court, dévale, bouillonne, envahit, frappe à la porte de la maison — se rappelle peut-être. Non loin de la maison, un homme la guette encore. Amoureux.

L’amour peut triompher, un amour du lieu, tenace, inflexible, pétri de contemplation et d’écoute. 

Un lieu habité.

La force du regard, de la force de l’action qu’est le cinéma du passage du temps, c’est-à-dire des transformations de l’espace-temps d’un lieu peut triompher. La force de l’amour du cinéma du cinéaste toujours audacieux peut déposer en nous un autre espace-temps où sont et seront rejoués les chants, les bruissements, où la rivière et ce qu’elle emporte reviendront au centre de nos espoirs et de nos vies.

*Quand apparaissent des hélicoptères et des fantassins, un peuple en fuite, on pourrait se demander si la rivière est celle de Conrad ou de Coppola? Quel monstre se cache donc en ses méandres. Le cinéma? Un certain cinéma-spectacle déjoué par le réalisateur qui veut simplement enregistrer ce qui est, le lieu. La rivière fait partie du lieu habité par le cinéaste, et ce qui pourrait effrayer est son ultime beauté. Le seul et dernier film possible?

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Montréal, rue du parc, Québec , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 31

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Wenthworth-Nord, Lac Spectacles, Chemin du Lac Spectacle, 
45.79808588017952, -74.52920031779108


	De la topologie douce des Laurentides, faite d’érosions, de pierres brisées, de montagnes épuisées, de vallons, y entrer dans cette forêt et ses pentes, ses descentes, ses ruisseaux, ses blocs erratiques. 

	Comme intriqué à la marche, ce ciel fait découvrir ces vivants que mire un lac, à un sommet, par un chemin du moindre effort ou du moins, par un trajet de moindre résistance, à choisir si la pente n’est pas trop forte, si un amas de sapins ne barre pas la marche, ou un marécage ou une tourbière, ou simplement une cuvette.

	Retrouver les sommets, s’approcher des lacs, entendre les ruisseaux, sans sentier, juste la marche, le chemin à même le sol.


***

	Poursuivre ces vallons, ces montées en moi, les dessiner puis les imaginer, les imaginer puis les dessiner.
Les écrire puis les dessiner. Les dessiner puis les écrire.

***

Modelé de la terre, intrication du sol en soi, ses pentes, ses arbres ou, les arbres et les pentes, les ruisseaux, les fatigues ( les montées) des montagnes, les vertiges des falaises, dans les jambes, le mouvement des bras, les sensations des herbes et des feuillages. Intrication du sol en soi.

***

Où se trouve la respiration.

***


Au sommet, ce sommet particulier
Les rochers après la montée
Y respirer le passage
Vers un autre regard
Les fleurs mutilées par mes pas
Tombent sur moi

***

Tessiture – Intrication – Résonnance – Dessiner

***

Mémoire du lieu
En ce lieu
Mes pas liés aux herbes et broussailles
Des deux côtés la colline
En la cuvette où un léger ruisseau
Tisse au paysage les mots mobiles du souvenir
Se déplaçant de ma marche vers ma mémoire


La terre respire
Les allures du corps
Il foule le chemin qu’il va traverser
À sa droite, une autre colline
À sa gauche, un marécage
Rocher devant lui n’est pas obstacle

Dans cette petite vallée
Entre les arbres, leur feuillage, et les pierres
La descente lente, mais respirée 
Seul et sans méthode
Que les pas sans chemin 

***


Les fleurs, les petites roches, à mes pieds
Le long de ma mémoire
Fleurissent sans vent, sans eau
Même dans la suffocation que nous offrons à la terre
Elle vient en moi pour m’enlacer un instant de fragrances
Elle offre à l’air un dessin

Où je me mêle aux lignes et n’avance pas
Le long des récits la terre se fait
En arbres, en broussailles, en rochers arrêtés
Là où je m’éloigne ma mémoire intriquée
Au sol en chacun de mes pas
Me révèle des fleurs et des fougères debout
Resplendissants de leurs verts de pluie de leur violet d’œil naissant

***

Le dessin fige la mémoire, mais par ses traits note et fait l’intrication du paysage aux pas, au corps, veut offrir un support à l’imaginaire pour le tisser au paysage évoqué.

La mémoire du paysage subsiste ( en moi, en mon corps), elle est mobile, presque changeante. Je peux me déplacer dans ce paysage, dans le désir, hors lui et à travers lui.

**

Intrication des lieux en soi, où la main déborde de gestes, lignes et terres, eau et plantes, dans la marche, entre les rochers, comme vêtus de paysages, de paysage en paysage, un autre vêtement, un autre tissu, une autre nudité. 


***

Eau coule autour de soi,  tessiture du lieu,  le tissant à mon corps, d’où il émerge,  imprégné de couleurs et d’odeurs, de plantes et d’ombres, de traits et de courbes, entretissées, comme un mot dans la bouche, dans l’air, résonnant, autour de moi, ce lieu, en moi et hors de moi, mon corps passant à travers lui, imbriqué, évidé, vêtu de lui, dévêtu en lui, retenant les sensations et les mots, qu’il tisse à lui.

***

Vêtu du lieu
Comme le castor
Se vêt de sa maison de branches et de boue
Vêtement éphémère
De sa pensée 

***

La marche, intrication au lieu 

Autre intrication possible : le cadavre. Laissé là comme celui des animaux ( et les charognards et les insectes),  en suspension dans les branches ou dans la terre. Non pas comme moi. Les restes, de la décomposition, avec le paysage. Ou par l’immobilité, sur une pierre, l’intrication serait lente, sur la tête et les jambes pousseraient un arbre. Comme ces arbres qui poussent sur les troncs d’arbres coupés ou cassés.

***
	On dit de deux particules qu’elles sont intriquées quand elles sont en phase d’état quantique à distance ( peu importe la distance). L’intrication remet en cause le principe de localité défendu par Albert Einstein, mais sans la contredire tout à fait car des échanges d’information à des vitesses supraluminiques restent impossibles et la causalité est respectée.

Est aussi abolie la temporalité, puisqu’à distance le même état se produit en même temps.

L’intrication ne naît pas d’une transmission.

***

La marche est une ligne d’univers, rencontrant les lignes d’univers des arbres, des vivants, puisque ceux-ci aussi se déplacent dans l’univers, les deux lignes se rencontrant.

***

Pour que je puisse déposer chaque pas dans sa nasse, dans l’enchevêtrement des plantes, des bois morts, des feuilles desséchés de ce sol qui se modèle à mes pieds, sa boue et ses mousses, ses rochers lisses ou rugueux, tout ce qui me tisse, m’immisce en cette trajectoire de la terre dans l’univers fleuri de lumière, tombe sur moi.

***

Attendant les chants
Pic-bois
Bruant
Bruant
Pic-bois


L’épervier de ma mémoire
Survolant la forêt
Et fondant sur moi
De ses ailes déployées

Voilà comment l’univers
À toi se tisse et que tu te tisses à lui
Voilà comment je fonds 
Sur toi, baisse-toi
Pour ne pas que mes serres t’arrachent
La tête de ce monde

Baisse-toi, fais corps avec la terre, l’eau, l’air.

C’est moi le feu et non tes machines, tes procédés, tes montres, tes œuvres d’explosion, ta dynamite, tes nitrates.

C’est moi le cœur qui bat, cette mémoire incorporé dans chacune de mes cellules de tous les passages, les tempêtes, les rocs et les vagues, modelé des intempéries, des morts et des vivants, depuis si longtemps, si longtemps, tous ces évènements dans ma peau et mes muscles m’ont façonné et c’est la mort que je te  dis. Ces évènements qui sont passés avec toi, sont là dans ta chair vivants comme moi dans cette forêt qui fond sur toi avec moi.


***

Ce qui trace une ligne enchevêtrée aux autres lignes, une marche dans l’immobilité feinte du lieu, tout cela tournant, spiralant, dans une mémoire, à peine perceptible, tissé à soi, aux arbres, liés aux cailloux, aux danses de lumière, là où l’astre, comme en haut, est projeté avec nous, dans ce tournoiement espéré, les lignes se croisent, m’entourent, m’enrobent et me dérobent avec la terre de la forêt dans mes pas, mes pas qui teignent la forêt, les fils de ma joie.

***

	Fluctuations du vide quantique
La nature a horreur du vide – il n’y a pas d’horreur du vide, mais que le vide soit tissé à mon corps, le soutenant en quelque sorte, en soit fait, n’est pas horrible, mais hallucinant. Où est le vide, quelle est sa dimension? (constante de Plank)

***

	Marche faite de ce vide en forme de broussailles traversées d’énergie, fluctuant, synchrone et asynchrone à la fois, où le chant gravite et féconde le paysage de mots, de lettres, bouillonnant à même ma peau et dans mes os!

***

Émergeant des lignes
De broussailles et de branches
Enveloppé d’elles
Puis extrait
Dans sa marche
Se coulant en elles
Dans leur enchevêtrement dessiné
Le corps en sueur monte
Il voit la tête des arbres
Les modulations du sol et de la forêt
Autour de lui
Un signe une présence, un obstacle
Un promontoire où les roches
Qui affriment le passage des glaciers
Qui furent errodées puis humus
Là la forêt croit
Il émerge dans une autre lumière
Pour voir son trajet et la forme de la forêt
Il avance sur la crête
Et ainsi ajoute ses stratagèmes et l'amplitude de sa marche

***


Dessin 3 Surplomb ( voir image en bas du texte) 


Passé le chemin, un monticule, dessiné en surplomb, pour aller plus loin, puis tourner vers la droite ( à droite un dessin).

Est-ce que le dessin épuise et raréfie les mots? Ses lignes sont ce qui m'enrobe, à l’affût  des traces reconnues dans le paysage, des repères de mes déambulations antérieures.

***

Si je dessine le lieu ( de ma mémoire), je le tisse à moi, et je  me lie à l'énergie de ses lignes qui m'enrobent un instant. Dans le dessin, je suis invisible. Je disparais, enrobé de feuilles, de branches, de lignes qui m'entourent, définissent mon corps, puis je me délivre de ces lignes, j'apparais, mais invisible.

***

Au Pays-bas les ingénieurs admettent que les digues ne seront peut-être pas suffisantes, qu'ils devront abandonner des terres à l'Océan, qu'elles deviendront salines.

Des vestiges de ces terres englouties d'un autre âge, grottes autrefois, sous la mer de la dernière glaciation. Quand l'Europe était de glace, aux rivages, la mer retirée, leurs pêches, leur art, leur vie.

Aujourd'hui nous croyons ( moi? eux? ou  tous?) que l'état pourra construire des barrages contre la  montée des océans. Montée des eaux que l'on peut mesurer, mais dont les effets sont incalculables aux rives de New York, Miami, Singapour.

***

Du surplomb, de cette petite colline ou monticule, le sol est sec, les cuvettes, les marécages, les ruisseaux peuvent être vus, évités, en ce passage lumineux où la tête peut se lever un  peu plus vers l'horizon entre aperçu au printemps, donnant une certaine aisance à la marche, dans la végétation un peu plus clairsemée. 

***

Le corps apparait
Inextricablement lié au vent
Aux rochers contournés
Au sol des pas
Dans sa respiration
Hors le silence dans la marche
Les bris de branches, le froissement des feuilles aux chevilles
S'écouter détruire le silence ou être des bruits de la forêt
N'étant plus dans cette nature fantasmée
Dans un dessin ou une page écrite
Étant ici, dans ce tourbillon, cette effervescence des lignes
Ouvrant les yeux 
Ressentant l'enchevêtrement  des arbres et des branches en moi
Pour apparaître, tel un corps, hors ce dessin,  dans les mots

***

Les écoulements sur le sol, des collines, au monticule, vers la cuvette, se prolongent, ruisseau débordant au printemps, sol d'eau et de boue, vers l'étang.

Au sortir de l'eau, comme le corps, issu de l'eau amniotique, dans l'air, des autres eaux, le goût de salin.

***
L'eau dans les creux, contre les rochers, se déplaçant dans la même direction que le marcheur, si lentement. 
Des épisodes de l'eau : ce corps.

***

La tessiture de la voix dans la tessiture du sol, à l'orée du ruisseau, pieds mouillés, où se dérober, le ciel a passé des messages aux mains, les roches tombées tendent leurs gongs de fougères, lisses de sons, entourées d'arbres lancés vers la lumière, mais proches du torse.

***

L'enveloppement du corps par l'eau.

***

La question du temps reste présente. Y a-t-il une autre perception du temps en forêt, relativement à la ville, mécanisée, où le temps est compté en déplacement et mouvements de machines, en montres, en horloges téléphone, où le compte de temps est partout présent. Dans la forêt, chaque vivant a son temps (en ville aussi, mais la forêt et la nature recèlent un très grande diversité de source de temps. une abondance des espèces que ne recèle pas la ville.

Chacun de ces vivants a sa ligne d'évènements qui lui est propre. Dans un espace donné ( espace-temps) la trajectoire des choses fixes, rochers, terre, arbres, s'immisce dans celle des vivants mobiles, avec leur énergie propre. Les émissaires du temps sont le soleil et la lune.

***

Dans le paysage dit immobile, mais changeant, l'eau en mouvement, le mouvement de l'eau.

Dérobade : L'eau se dérobe à mes pieds.

Je me suis dérobé de cette eau, ce qui m'entoure est une eau en dérobade, où je plonge (-comme un castor), puis j'émerge.

Émergence du paysage, de son eau, mon corps lustré,  en résonance.

L'onde de résonance au lieu.

L'émergence du corps qui répond, se mobilise, plonge un autre fois dans la densité des langues des vivants , puis respire, comblé de ces eaux.

Un enrobage de sons, l'immixtion du vivant dans le vivant à l'affut du moindre mouvement, du moindre bruit, de la moindre perception, pour orienter les lignes de vie.

L'eau qui coule est le modèle de l'espace-temps, mais l'homme ne bouge pas dans le fleuve du temps. Il est une ligne de temps dans le mouvement des lignes de temps de la terre. Il est un Terrestre.


***

Le terrestre est un désir, émerge du désir. Il est un trait parmi d'autres.


***

L'énergie donnée par le soleil  rend  possible le vivant, par période de jour et de nuit. Sans lui pas de vivants.

D'où vient la sensation d'un temps apaisée en forêt? Du silence ( celui des machines?), de l'absence de compteurs du temps? Malgré le foisonnement du vivant. 


***


Dessin des boucles 

Boucles de la stupéfiante vitesse
De mon corps projeté
Les étoiles n'y peuvent rien de leur passé
Avec les arbres et les pierres
En spirale autour de moi 
Épaule à ce tournoiement
Ni chanson, ni silence l'espace
Tourbillons des trajectoires
Boucles de vie d'un autre vivant
Proche ou lointain en sa spirale
Léger papillon de nuit

***

Déplacé dans le passé de l'univers, au présent de nos vies, nos lignes en rencontre, en dissonance, en accord. Des vivants, les trajectoires. Une respiration de l'univers, une conséquence de ses lois. Elles nous donnent, nous offrent, les uns les autres, les uns avec les autres.

***

Une fois terminé le dessin devient immobile, le poème poursuit sa course.

***

De l'eau qui compose mon corps, de l'oxygène qui me permet de vivre - me donne son énergie- du cycle de l'eau et du carbone, ce qui m'incite à donner mes restes à l'univers, moi qui me nomme terrestre, dans tous les cycles, celui de la terre, celui de mon orbite, celui de mon étoile, de ma galaxie, sans cesse en mouvement. 

***

Mouvement spiralé, si dolce y el tormento, Monteverdi.

***

L"eau dans la bouche pour façonner un homme ou une montagne, cette terre de roc et d'humus, de fer en fusion, les milliards de vivants du sol que je foule, la mollesse de  la boue aux pieds, les vers, les innombrables insectes, fugues d'eau aux abords des ruisseaux, à peine un courant, qui mène à l'étang, mon corps imbriqué à mes mouvements, à ceux de la terre, et à des milliards d'étoiles de la galaxie, et cette eau non pas comme un miroir, mais une mémoire de ses présences, de mes trajectoires, de ma dissolution.

***

De l'eau à cette terre, respiration, une autre respiration, dans la succession des mouvements et des transformations, dont l'eau est l'image.

***
Où l'eau, pas de marche, contre-point, où la marche bute, contourne, lieu vide de la marche, c'est pourquoi : marcher sur l'eau, marcher sur le ciel.


Categories: En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Web , Wenthworth-Nord


L’inachevé de la joie – 30

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Angleterre, Cornouailles, Rivière Trevillet, Tintagel
50.67395398063006, -4.729951084657196


De la spirale, ruisseau jusqu’à la mer, la falaise.

De la spirale, sur la pierre du ruisseau, eau vers l’Océan, lieu du retournement, où la parole devient.

La spirale de pierre
Est-ce que je peux échapper au sens?

La rumeur est le vent
Qui va à l’Océan

***

Spirale d’un autre temps
En ce lieu aux agencements de pierre
Et aux remugles du ruisseau
Gravée au ciseau
Et coule 
Se prolonge le lieu en moi
Le long de mes vertèbres et de mes mains
Vers l’océan des pierres amoncelées
Oscillement d’eau
La spirale retourne aux cours des courants
Amorce avec le paysage sa révolution
Qui fait de l'Océan le battement de la prairie
Où le ruisseau gruge jusqu'à l'échancrure
Mes mots vers une marche
Où je respire de la bruyère le soleil
Mon corps dans la lumière qui flambe
Cherchant de l'Océan le retour
Dans mes os et mes muscles
Surpris de la vélocité de l'eau
Sur la pierre qui donne au lieu la spirale

**


De la spirale, le sentier, indice, pour ceux qui l'ont tracé, d'un passage, d'un rendez-vous, d'un départ, dans la prairie, où tourner son regard, vivre une autre fois une autre descente, un défilé d'herbes, un fracassement de vagues, une plage, au-dessous de la falaise où le bouleversement de pierre du ruisseau rejoint le salin, où les deux paumes s'ouvrent, les oiseaux se détachent du promontoir pour aller plus loin, avec la brume ou la pluie, dans les éclaircies magnifiques de la mer.

***

On pourrait dire que les mots ou les phrases possèdent leur propre entropie, et que l'agencement des mots et des phrases, le contredit, l'annule?

Ce miracle de l'art, cette fixation de l'entropie, sa suspension? Ce résultat si semblable à l'éternel. Non pas qu'il l'imite, mais le laisse image, l'immortel et l'éternel, évidemment, que l'hominien invente, a inventé.

La spirale des mémoires, enlacées aux paysages, les lieux définis et redéfinis avec le regard et les sens, leurs sons, leurs voix dans chaque voix.

La joie en spirale dans chaque lieu.  


***


Peut-on dire que malgré l'engloutissement, la dévastation, la spirale de changements climatiques amorcée, l'humain reste le même? Cet homo sapiens des errances, de la chasse, des peintures sur la pierre; cet humain du travail de la pierre et des champs.

***

Il n'y aurait qu'une seule fois, celle de la création que la spirale indique?

***
La spirale, près de Tintagel, annonce des rendez-vous secrets au ruisseau, jusqu'à la descente, où l'Océan emporte, falaises, cavernes de mer, roches noires, pour une société mystique ou occulte, des rites, tout simplement ou au moins, la beauté du torrent, et sa conséquence, l'Océan.

***

Précipité de broussailles
Tourne vers mon visage
La lande esquissée des sels
Quand le son des vagues franchit la muraille
Où le vent des embruns
La marche aux pierres dans le sentier
Jusqu'où le visage disparaît
Le lent soluté de la prairie
Indique l'endroit de sa dissolution

Le ruisseau creuse la spirale de l'eau
S'invente des eaux qui ruissèlent
Contre le corps des marches
Pensées de fleurs et d'odeurs
La côte escarpée offre des vertiges
La lande donne sa douceur et son emportement
Une autre vague lointaine

Oui le ruisseau se tourne vers moi
Pour que j'arpente ses désordres en torrents
Leurs vrilles d'eau me joignent à leurs Océans
De tous les pas il reste le paysage
En mes mains additionnées aux falaises
La terre me supporte de nouveau
Je vais à partir des broussailles
Imaginer la mer puis après la chute finale
Être avec la plage et les falaises un autre chemin

Le sentier peut se répéter et tourner à nouveau
Mon regard vers la mer
Ne pèse pas la pierre
Révèle la spirale
Me conduit par les pas des autres aux eaux
Chaque odeur et les couleurs orangées
Les herbes hautes penchées au vent
Pour que l'océan puisse se poursuivre en moi.


Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Rivièere Trevillet, Tintagel, Cornouialles, Angleterre , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 29

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Studio Cormier, Chemin Sullivan. Bassin, lle du Havre-Aubert, Iles de la Madeleine, Québec
47.221142074439946, -61.930713518054404

L’écriture de la mer ( pas ses vagues)
Mouillées ( plumes)
Eau qui goutte (grillons)
Reflets ( à mes yeux)
Herbes un peu balancées ( la rosée)
Marée ( Vent) 
Bruit de frigidaire (électricité) 
Navire (Navire)
Passagers ( Îles de la  madeleine) 

***

Est-ce que je peux écrire à la mine? Je ne sais pas. La mine est effaçable, l’encre est soluble
Dessiner et écrire à la mine.

La plume a été perdue temporairement. La mine du dessin devant le paysage dessiné. Joie pleine de la mine, la splendeur du ciel comme à chaque instant, le ciel des îles.

Herbes jaunes ou brunes, se balancent, mouillées. Une frange de lumière où l’eau érode le ciel. 

L’aiguisoir emplit sa fonction. Écriture plus lente de la  mine.

Dessiner en même temps qu’écrire?  Dessiner n’est pas écrire, mais écrit le paysage.

***

Qu’est-ce que la poésie?
Surcroît d’être ( Reverdy)  et transsubstantiation, activité littéraire spéciale au sujet de la condition mortelle ( Malpoix), ou Tout est poésie ( Tu Fu).

Eau claire, méandres enserrant le village
Longue journée d’été oû tout est poésie
				Tu Fu

Pour Reverdy, le deuxième vers est archi-faux, la poésie est  produite par l’homme  au-dessus du néant du réel. 
Malpoix nous renvoie à l’existentialisme qui serait propre à la poésie. Face à la condition mortelle, celui-ci énonce une versification qui montre les limites ou non de l’homme et de son langage.
Mais il n’y a pas que le poète qui fait face à la mort, à l’aporie du sens.

Le poète ou l’écrivain est celui pour qui investit la langue comme un phantasme ou de ses phantasmes. 

Pour moi : phantasme d’être au plus prés du cri, de l’émergence, de la première parole? Ou phantasme d’une langue si transparente qu’elle serait de la nature? Ou d’une langue qui serait en fin de compte un obstacle a toute communication? Pour moi la poésie demeure dans un indécidable? Face au mystère. 

Est-ce que la littérature accompagne la vie ou la transforme? La poésie est une transformation du monde. D’un univers qui est aussi fait de ses destructions. Comment incorporer dans le poème cette destruction de l'univers de galaxies, d’étoiles, de planètes, de planètes entières de vivants?

Il faut bien le reconnaître, s'il existe de la vie ailleurs, cette vie est régulièrement détruite par des explosions d'étoiles, des déflagrations de galaxies.  Les lieux sont détruits, les trajectoires des planètes affolées, les soleils décapités. Ainsi entre l'inerte et le vivant se joue une partie effrayante qui nous dépasse complètement. Le vivant est le produit de ce que l'on appelle l'inerte, mais les masses d'énergie présentes a tout instant saccagent ce qui l'univers a mis des milliards d'années à construire. 

L'univers est-il informé de cette destruction? Est elle est enregistrée par lui?

D'autre part la notion même de mort, de désarroi face à la mort, est supplantée par une angoisse de la destruction par l'espèce elle-même de ses conditions d'existence. Le changement est important il déplace l'angoisse du je vers un nous toujours difficile à cerner en poésie.

***

L'eau salée à la bouche, dans la transparence des eaux de la dune du Nord.
Oû le sable s'amasse, gonfle en monticules depuis des centaines d'années entre les îles de la Madeleine, où les falaises se matérialisent en sable, deviennent plages. Où les plages sont échancrées des violences de l'Océan. La douceur et la force des vagues de l'eau saline chaude. Y nager.

***

Le ruban mobile de la dune
La souple ligne de la plage défaite et refaite
Les attaques des vagues et du vent forment la dune et la détruisent
Le lieu flou et mobile de la dune sous mes pieds, son sable sur mes pieds déplacé par le vent, les marées, les grandes tempêtes. Chaque mouvement de l'eau enregistré par les particules de sable.

***

Des souvenirs émergent de la dune de l'ouest
Le soleil est là, tremblant sur les îles
Vent doux et souple du matin 
Mauve

***

Je ne trouve pas le point d'inflexion des dunes
De l'ouest
Dans ma langue
Du haut des buttes 
Leurs lignes et courbes
Modelées par blessures et joies

Les pieds dans le sable
Sur le bord où l'eau rejoint le sable
Aller très loin
Jusqu'à une méthode de dire l'éphémère
Du vol et du bonheur

Où le sable finit
Où l'océan le forme
Et ne commence pas
La joie est une plume au vent

***

Je ne peux plus faire l'éloge de la fuite. Au lieu, ici, ( où j'écris le lieu iles de la Madeleine) demeurer. La demeure, en une ville, où la chaleur, la suffocation. L'affronter ou fuir.  J'ai pensé campagne et lac. Du lac je ne vois pas l'horizon. Désormais notre horizon sera l’Océan. Son gonflement, sa destruction, ses bourrasques, ses violences, sa beauté. 

****

Le lieu imprécis du sable, le lieu de vent à la crinière de sable,  le vent, soufflant vers moi, me poussant comme lui, vers ailleurs, animal furtif.

***

Je ne discuterai pas de la forme que prend le vent quand je suis sur la plage. Je ne serai ni immobile ni vindicatif. Comme présent au soleil qui me dessèche. Non pas encore carcasse et os. Agissant avec l'eau, les vagues muent le sable avec force. Contre lequel je ne suis rien. De ce rien des mots, la nécessaire chute de la falaise dans l'érosion du souffle. Un soupir.

***

La lagune bleue en moi
Au-delà des hautes dunes
Au-dessus d'elles
Istorlets crieurs

L’eau calme des retours
L’émerveillement des ailes
Des herbes penchées à peine d’un vent doux
La montagne au loin 
Contre le bleu foncé des marécages de l’apaisement

Entre le son des vagues et les eaux à peine ridées
Les oiseaux en danse pour les libellules et les mouches
S’élanceront vers la mer pour d'autres proies.
Pendant que je resterai sous le soleil à attendre

***
Les échoueries de plastique 
Fleurs sur nos tombes. 
Que les oiseaux avalent.
Ils garnissent la terre de leurs plumes
Pour notre histoire de déluges et de sécheresses

***

Sur la plage, galets.
Échouerie de bois billots
Échancrures de dune pour le regard vers la lagune
Déplacement des roches, des bois flottants, des débris de jour en jour, de semaine en semaine, sur le sable
Plage sinueuse modelée constamment des vagues, orages, tempêtes, automne, été, hiver. 
Courbe de la rive avançant ou reculant,  s'adoucissent ou s’ouvrant
Plage avalée maintenant descendante.
Sable mobile sous les doigts, sans presque de résistance.

****

2022-09-23

Iles de la madeleine

Bientôt l'ouragan
De l'ouest et du nord.
(Les hôtes d'un contretemps de vent)
Les hautes dunes contre tant de rafales
Plage repoussée, échancrée 

Les résistants du vent
Cherchant un silence entre les sifflements
La destruction immobile sans âme
Pour taire de cet univers la force aveugle
Frappant comme un destin
(l'aveugle élabore sans nous notre destin) 

Univers contre nous et avec nous à parts égales
De notre mort et des vivants
Plus de vies et plus de destructions
Sur la dune de l’ouest
Les oiseaux se terrent dans la lagune
Attendant notre éveil, la fin de nos angoisses, de nos inquiétudes
Face à la beauté destructrice de l'Océan
(Nous commettons tous les crimes, nous offrons toutes les résistances)

***

Si l’univers est perçu par l’humain comme cette force externe inéluctable, qui est extérieure et imposée, il en est ainsi de la mort. La mort apparaît comme le vide. L’univers n’est pas ce pendant extérieur à nous, nous en faisons partie. De cette force, l’humain occidental, en fait un être extérieur, dieu ou nature. Cet être ou essence lui impose la mort. La mort et la destruction aveugle, sans plan, ni prédictibilité est intrinsèque à l’univers et ses mouvements. Au lieu de voir la mort comme une des lois de cet univers, l’humain se dissocie de lui et de la mort,  comme il se dissocie de la nature.

Habiter en soi cette force de l’univers, elle n’est pas une illusion. Notre joie d'être au monde est corollaire au vide que nous  laisserons. Du vide de notre présence, d’autres joies, d’autres destructions, d’autres vides émergeront.

***

Où je coule avec la mer
Inlassablement
Devenir ce que je ne suis pas
D’un sable a  l’autre
Chaque jour d’univers
Vers une autre plage
Une autre montagne
Une île façonnée avec le vent
Qui coule dans la mer et revient
Quand je marche aux plages échancrées
Les crêtes de leurs dunes assoiffées de rafales
Quand je me baigne avec les lançons
Tournoyant dans l'irrespirable

***

La dévastation de plus en plus cruelle des plages, des falaises, des berges. Prairies inondées, routes sectionnées, terrains grugés. Homme et femme debout et en pleurs. Ouragans qui nous métamorphosent. Nous qui leur avons donné l’eau et la chaleur pour nous détruire.

Gaia n’est pas un mécanisme, mais un tremblement qui change d’amplitude avec nos actions, qui nous répond, nous qui croyons qu’il n’y a pas de réponses ou qu’il n’y aura pas de réponse.

2022-09-17

****


Categories: Bassin, Îles de la madeleine, Québec , Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 28

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Place du Trocadéro, Paris, France
48. 86302, 2.28709


Ici aux Îles de la Madeleine
Le Trocadéro
Place où les yeux reçoivent la clarté
Du jour de Liberté 
Où l’acier se troue de flamboiement
À un pas de la résistance de l'homme
Contre ce qui le déporte

Là-bas, au Trocadéro, Musée de l’Homme avec Germaine Tillon
À un pas de moi dans les îles
Le rocher, les vagues, les istorlets, les mouettes
Au loin les baleines, l'écume des vagues
Sur toute l’étendue vibrations claires
Jusqu’aux confins la voix acadienne au son de sa langue résiste

Maintenant l’aurore pulse tous les sons vers moi
À l’écoute de la foule du Trocadéro
Le regard effile l’île jusqu’au désir
De battre avec le cœur de lumière des résistants

***

Étendue de l’horizon où le vent semble s’engouffrer
Contre la résistance des choses humaines et non humaines
Des rochers aux maisons
Place du Trocadéro, Musée de l’homme
Où la résistance a parlé 
Jusqu’aux limites du regard où les nuages plus blancs
Assoient la mer sur ses déferlements

Le faite de la tour Eiffel disparue dans les nuages
De ces babils de millions de touristes
Ils ne savent plus ce qu’est la langue de la résistance
De l’Océan contre l’Océan, mais avec l’Océan
Jusqu’aux creux des rochers où se sont naufragés les marins
Pour dire les iles d'Acadie 

Au musée de l’homme Néandertal a un visage presque jovial
Il ne réside pas plus dans les cavernes de mer
Il laisse une légère rumeur sur le Trocadéro
Où l’on voit la flèche d’un autre âge encore debout
Oubliant que l’océan dévoilera nos restes

****

Ne corromps pas la terre
Le regard que l’eau lui porte
Il la brise en monceaux en sable
Résistance en vain contre la tempête
Éclats de sel sur la roche

Cercle de l’eau exhibant la Terre
La paroi qu’est le ciel et l’horizon 
Change si souvent de main
Que je crois que l’orée du nuage goûte pour moi la lumière

L’Océan n'est pas un lieu pour vivre
Sur ces îles le vent n’apporte pas la rumeur des hommes
Se pressent les uns contre les autres au Trocadéro les  touristes de leur âme

***

Les vagues par où passent les lagunes et les fleurs
Intempéries d’obstacles et de nuits
Au chevet du silence embusqué qui meurt
Cent fois, mille fois des mêmes eaux de sel

Eau des roches et des salives
Emmêlés aux poissons et aux algues
Ce qui ne peut se nommer humain
Glisse aux confins des visages

Une espèce laisse une trace qui ne peut-être enlevée
La vague en résistance la pousse
Aux rivages des défaites
Le sort n’est pas jeté

Ce qui vient de l’eau retourne a la terre
L’exclamation sur les places et les rendez-vous
Ne peut cesser de croître avec le fer, le plastique, le poème
Le déferlement des vagues accourt
Pour broyer les élégies, les photographies et les mots

***
L’Océan est la place publique des vivants

Non pas rectangle, mais circonférence
Tourne autour de moi au calme du vent
Les bassans points jusqu’au bout de mon regard
Dans l’attente, en repos, d’une plongée
Où les humains ne marchent pas

Et les cris des courlis courlieux, les pépiements dans la plaine des bruants
D’où mon regard inachevé vers la place publique des vivants
De plus en plus clairsemés
En attente de nos arrêts et de nos respirations

Ma lenteur assise avec la lumière
Elle verse avec moi les demeures simples de l’eau
Les récits électriques des nuages en soulignent l’ampleur
La quiétude du matin ajoute les sons des battements d’ailes
Au souffle lointain qui émerge du cercle

Attendre avec les  rochers  les gerbes d’eau salée et les plumes
Confondu aux écailles des poissons
L’étendue est calme 
Les morts semblent sans existence
Les vivants s’assemblent malgré nous

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Place du Trocadéro, Paris, France , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 27

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Sentier des écoliers, Kamouraska, Québec
47.654400054973806, -69.73266077051827

En ce lieu, penser que le paysage est sa mémoire, mémoire qui se fait, enregistrement des modifications, altérations, émergences, incidents, végétation, vie animale. Le paysage est la forme même de sa mémoire, mémoire en action, en sa diction qui me dit. 

***

Le sol de cette joie : l’eau .

Je retrouve ma respiration. Quelle respiration? Celle de l’arbre, de la plume. Deux cardinaux se répondent, la plume à la page, la respiration du sol dans les côtes, le fleuve immobile en mots pour pavoiser la lumière, le trouble d’un grand poisson qui saute. L’univers me le donne, me permet cet air dans les poumons, ces muscles, ces os; ce que je suis le respire, de son abondance que nous confisquons –  qui nous confisque. Nos déboires, nos immolations, nos déroutes, nos dilapidations ne font-ils pas partie de sa loi, tout comme notre respiration?


Categories: En cours de publication , Essai , Kamouraska, Québec , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 26

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Emprise d’Hydro-Québec,voie ferrée du Rem, Montréal, Québec
45.51420522949176, -73.73545492099349


Temps réel de l’écriture. L’écriture - l’écrit - apparaît comme un temps alors que c’est un lieu ( ici actuellement). Un évènement disséminé.


L’emprise d’Hydro-Québec longeant le chantier du Rem. Herbes mouillées sur les jambes. Souliers trempés. Flaques d’eau.

***

Sentier de terre façonné par les cyclistes, voulant circuler sur l’emprise d’Hydro-Québec, le long de la voie ferrée du Canadien Pacifique, devenue propriété du REM.

***

Hautes herbes blanches de leurs fleurs. Les frôler, les sentir jusqu'aux épaules, en cet été 2022, l’abondance toujours possible contre nous. Elle devrait nous étouffer.

Elle devrait passer à la vitesse supérieure, à une autre abondance, issue des étoiles, des vivants, pour nous faire abdiquer, nous obliger à nous retrancher derrière nos murs avant de les gruger, de les abolir, nous envahir de leurs odeurs, de leurs fruits, et de leurs poils, de leurs muscles.


Le long des nouvelles voies du chemin de fer à poutre de béton et électrifié, je voudrais qu’elles soient l’attente d’un envahissement, une veillée calme de nos défaillances à venir

***

De l’image de James Web, celle de l’univers, en moi, avec ces fleurs me frôlant, jusqu'à la lie, la force et l’intelligence des humains dans ces yeux de métal, capteurs de sensations et d’énergies que nos corps ne possèdent pas.

La question se pose de nos machines, de ces extensions de nos corps. À bicyclette, pendant que je passe dans ces champs, avec cette machine, à un million de kilomètres, James Web enregistre les fulgurantes énergies pour qu’elles soient vues, revues, analysées, enregistrées par des machines et relayées dans nos mémoires, inscrites dans nos savoirs, pour déployer notre représentation de l’univers et de ses lois. L’univers connait-il ses propres lois puisqu’il les met en œuvr? Nous sommes issus de ces lois, de leur aspect inexorable et de leur application créant l'aléatoire et l'ordre.

Réflexivité de l’univers sur lui-même,  conscience l’univers par lui-même, de la même façon que les fleurs que je frôle enregistrent ma présence, quand je ressens le contact de leurs effluves.

Le télescope reçoit l’énergie de l’univers, la recompose et nous la redonne.

La poésie dans cet univers est un acte minuscule, insoupçonné et espéré inédit.

***

Penser dans les sentiers d’eau.

***

Des fleurs arrachées au paysage

Un sentier tracé de roulements et de pas répétés

Hautes fleurs blanches jusqu’aux épaules

Émerveillé et agacé de leurs présences

En poursuivant le chemin

Où elles croissent, merveilleuses

Contre mon torse, de la vélocité du bicycle

La force des fleurs

De retour sur ce chemin

Va-et-vient vers le travail

Le long de la voie ferrée

Je traverse

Sauvage,la friche

Liberté de passer où il n’y a encore qu’un chemin de terre

Pour les renards et les bernaches

Entre les herbes qui mouillent après la pluie

En contournant les flaques d’eau ou de boue

Les grenouilles dans les petites mares disparues maintenant

Le chemin de terre est ce qu’il y a de mieux pour elles

Autour de moi des herbes, des arbustes, des animaux

Je les accompagne

***

En entrant dans le paysage, je l’altère. Il faut savoir, apprendre comment entrer dans le paysage et l’accompagner, le dire en le modifiant, nécessairement. L’écriture et la poésie sont une façon d’y arriver, par le souvenir de paysages. Par exemple : Côte de la Gaspésie, coin du banc, en ce moment.

***

Les paysages que j’ai fréquentés peuvent être écrits, mais je ne peux noter toutes leurs itérations. Ceux que j’ai parcourus à intervalles réguliers comme la traque ou le chemin de l’emprise d’Hydro-Québec, je ne peux dire toutes leurs modifications.

Pour la première fois de si hautes herbes, le Rem en chantier, un pont en acier pour le train. Bientôt le bruit constant du passage des rames. Un certain silence hier pendant les vacances de la construction. Les fleurs qui collent peu à peu sur mes jambes, sur mes cuisses. Le bonheur tout de même de ce chemin, puis plus loin, le Boisé de liesse, en un sens magique, et son ruisseau.


Categories: Emprise Hydro-Québec, Voie ferrée du REM, Montréal, Québec , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 25

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Bureau des Herbes rouges, rue Ontario, Montréal, Québec
45.519260963818695, -73.56327259554946

2022-05-28


Le poète peut produire n’importe quelle forme, s’immiscer dans tous les objets et les vivants, et les dire. Je suis le lançon dans sa horde, qui bouge au moindre courant, je suis la vague jusqu’au sable, qui tire vers elle la falaise, je suis l’univers qui explose en milliers de fragments, on dit que ce sont des atomes. Il peut dire que c’est encore lui, cet anonyme processus qui a dilapidé son nom.

En ce sens, le poète est un animiste d’un genre particulier. C’est le langage qui est la matière de cette âme qui lui permet d’animer et de prendre la place de la roche, du poisson, de la louve ou du lion.


***
Le son est une onde qui se propage dans l’air. On dit donc qu’il n’y a pas de son dans ce que l’on nomme l’espace : hors de notre écosystème. Pas d’oreille non plus. Un silence qui ne peut-être entendu, parce qu’il est impossible que le corps humain soit exposé è l’espace que l’on nomme aussi vide sidéral ( le plein serait alors notre planète - où nous devrions vivre dans sa plénitude).

Un espace ou vide (appelé aussi le vide sidéral) parcouru d’ondes dont une partie est bloquée par le champ magnétique terrestre. Ainsi le fer qui résulte de la fusion atomique constante des étoiles est-il un des éléments essentiels à la vie, telle que nous la connaissons. Dans cette vie, l’air et les sons, la respiration de l’oxygène. 

***

Leg du silence de Marcel et François Hébert, dans une pièce de verre, où leurs visages, me parlant, moi qui les crois fiction, font basculer ma vie dans leur visible.

***

Ainsi je me suis mis à courir de tout mon cœur sur la rue Ontario. C’était le début d’un récit que je voulais sans fin. Aux vitres poussiéreuses, la lumière jaunie, pour leurs visages. Les deux fumant, assis, penchés sur les mêmes mots que moi.


Sur la rue Onario, leur rue, la porte rouge, l’ouvrir. Entrer dans leur transparence amie.

***

Une partie de leur histoire se donne avec mon histoire. Le long du trottoir et de la rue Ontario, enclave du pauvre, corridor de bonheur pour moi, sa légèreté, sa crasse, au seuil de la décrépitude, dans ce quartier que l’on nomme le Centre-Sud.

La rue Ontario est une rue nécessaire, une voie du passage, elle permet de se dissimuler et de vivre, à souffle court peut-être, mais de vivre entre la Catherine et Sherbrooke.

Par elle j’entre dans la vie des Herbes rouges

***

S’offrir en sacrifice, se sacrifier pour les autres, telle serait le travail de l’écrivain. Il n’écrit pas avec plaisir, mais dans la douleur. Dans cette expérience douloureuse, l’ultime sacrifice serait celui de sa vie pour les autres?


Voilà un parcours christique, sacerdotal, d’où la joie est exclue. Pourquoi un individu , un corps poursuivrait-il une expérience qui ne lui donne aucun plaisir, aucune joie?


Pour moi, l’écriture est exaltation, joie, jubilation. Joie de la création, joie de la découverte, joie de l’expression. Pour moi l’écriture peut-être fluide et sans contrainte. Personne n’a jamais obligé quelqu’un à écrire, surtout pas pour les autres.

Je ne crois pas que l’écrivain écrive pour un lecteur, ni même pour des lecteurs, on pourrait donner des exemples. Donner à l’écriture un but social est périlleux et risque d’indiquer une mauvaise piste. Là est peut-être le scandale - l’on veut toujours ramener l’écrivain et en particulier le romancier à un démonstrateur et un démonteur. Pour moi tout artiste déploie avant tout un imaginaire et pour ce qui est de l’écrivain un imaginaire de la langue. C'est l'entrée en scène de cet imaginaire de la langue qui est une action sur le réel.

On a là deux processus anonymes, deux absences qui ne se parlent pas directement. Il est de même aussi pour d’autres formes d’art.

Parce qu’il est écrivain, un individu, se donnerait la mort ou se serait donné la mort en fonction de sa relation à l’écriture. J’estime pour ma part que l’écriture et l’art ne guérissent pas, que ce ne sont pas des thérapies, mais je ne peux savoir les motivations intimes de ceux qui se donnent la mort.

On a souvent dit que l’écrivain écrivait face à sa mort.

Pour l’artiste, comme pour tout humain, le choix de son rapport à sa propre mort est crucial. En même temps, il impose à l’artiste un plus grand détachement, une ascèse face à la vie.

Ce retrait existe réellement, mais c’est avant tout en rapport au social, non pas à ce que l’on appelle l’univers.

Beaucoup de commentateurs de la littérature font transiter l’écriture par le social. La littérature dirait une vérité sur le social que d’autres formes de savoir ne sauraient dire. Le roman serait une forme de sociologie supérieure en dévoilant les détails intimes de la vie. Je crois que l’artiste ne crée pas à partir d’une position sociale, mais par rapport à un positionnement face à l’univers entier, une responsabilité entière face à l’univers.

Cette responsabilité entière est celle de tous, mais l’artiste l’assume par le moyen de son art et l’art permet de l’atteindre.

Pour ce qui est du sacrifice pour les autres, l’infirmière, l’ambulancier, le docteur en font beaucoup plus que l’écrivain.

Au contraire, le rapport voulu à la totalité de l’univers, et la jouissance de l’écriture en font le scandale. Dans cette perspective la littérature est un don, qui appelle de la part du lecteur un contre-don, le tout échappe à la logique marchande.

***

Avec les frères Hébert, sur la rue Ontario, dans ce cubicule de silence, pour ma première publication, je suis au cœur de cette joie.

***

Le sable pour faire la vitre et

la transparence à la lumière

Les corps qui se regardent

Et voient le paysage


Tout le sable pour mon corps à la lumière

Les plages détruites

Les vagues qui brisent



Tout le sable qui ne compte plus les marées

Tous les fruits de l’Océan pour les cités

Tous mes pas qui veulent les couchers de soleil

Tout ce qui tremble en nous

Au haut des tours ou dans nos maisons 

Nos spoliations à l’abri de la pluie et des vents


***

Un espace de verre est le contraire de ce qu’étaient les Herbes rouges. Un lieu pauvre et les deux fumeurs.

L’image d’un rectangle de verre voudrait refléter ma joie, mon désir d’être publié aux Herbes rouges.

Être publié aux Herbes rouges c’était vraiment être mis en lumière, être projeté sur la place publique. Au prix de leur définition très large de la poésie, avec leur souci de rigueur et d’excellence.

Je pénètre dans un espace de lumière dissocié du bureau des Herbes rouges.

***

Le silence du verre vient du sable, de l’Océan. La lumière qui entre dans nos maisons est issue des mouvements de l’Océan.

***

Dans la lumière

De l’Océan



Deux hommes

Dans un bureau



Pour le poème

D’un homme

***

Marcel. Sur un paquet de cigarettes, ses notes pour mes poèmes. Voici une vitre sale, assis entre deux hommes, deux maîtres des mots. Savoir leurs silences. Écouter leurs mots.


Pupitre beige, assez large, en face d’un mur terne. Grande vitre à ma droite. À ma gauche, une porte et un mur vitré. De là on voit le bureau de Gaston Miron.


On appelle cela le temps, ce temps passé. C’est un évènement. Je monte les quelques marches. J’ouvre la porte rouge de l’édifice de briques rouges, rue Ontario. Je corrige avec les frères Hébert mon premier livre publié.


Nous sommes dans les locaux des éditions de l’Hexagone, sur la rue Ontario, où Gaston Miron a son bureau .La rue Ontario, entre St-Catherine et Sherbrooke. À ce niveau St-Catherine rue de petits commerces et sur la rue Sherbrooke, petite bourgeoisie canadienne-française.


***

Le sol? Quel sol? Le sol où tu poses les pieds ne chavire pas à tout instant. Quand tu ouvres la porte, ce n’est pas que de l’air. La lumière entre aussi par les poussières, par la respiration. La fluidité des gestes, des mots importe tout autant que nos visages penchés sur tes mots. Tu ne sauras jamais tout de nous. 

***

Faire parler les morts! Mais s’assurer qu’il ne disent pas faux. Ils peuvent s’ils veulent, égratigner la réalité. L’important c’est le désir. Dans la langue le désir passe. En chaque silence, ou sans lui. Le flottement au loin, dans les pas des passants. Des mains, nos mains saisissent nos cigarettes. Voici ce que tu devrais noter. Ce qui empêche. Tous les silences t’appartiennent. Nos mots passeront, te donnant le passage. Les rives n’ont pas que des coques.


Les rives tremblent de chaque voix

***

Dans mon lit, éveillé, je pense à François Hébert, son visage, son amitié, sa force discrète.


A ma table de travail, l’aurore et la vie, issue de l’énergie titanesque des soleils. Cette vie en mon corps. Ce corps comme une enveloppe qui s’ouvre et se retourne, explosant tous ces sons, ces images, ces mots qui affluent vers les arbres, les oiseaux, les vivants. Chant au matin du merle, le premier chant.

***

L’acceptation du lieu ( des lieux) mène à la responsabilité totale.

Comme être humain, on ne peut connaitre toutes les dimensions, les accidents, les évènements d’un lieu.

Seul le lieu lui-même les reçoit en entier, et d’une certaine façon les enregistre, c’est ce qui nous apprend l’écologie, cette transformation continuelle.

Dans la ville, l’environnement normalisé des humains, le lieu est déserté de cette capacité d’enregistrement. Les humains enregistrent pour eux et avec leurs moyens les évènements du lieu. Des appareils électroniques peuvent enregistrer certains évènements du lieu, de façon partielle. Certains de ces enregistrements sont des données.

Dans les aps des téléphones cellulaires, les parcours des individus dans des lieux deviennent des données marchandisables, récoltables, revendables. Les lieux et les personnes sont transformés en données logées dans les centres de données, virtuels ou non. Le lieu disparaît dans ces données. Il est effacé.

Ajout : Dans l’espace-(temps) l’univers a une capacité d’enregistrement des évènements par l’enregistrement par le vivant et les traces du vivant dans chaque lieu. 

***
De cette transformation continuelle, il faut que j’accepte l’inachevé. De cette joie, il faut que j’accepte la responsabilité totale, de son inachèvement, de sa transformation à ce que je ne serais pas.

Je ne peux ajouter d’autres mots à ma rencontre avec Marcel et François Hébert, en ce lieu, sur Ontario.
***

Categories: Centre-sud,Montréal, Québec , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 24

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Plage de l’Anse à la cabane, Millerand, Iles de la Madeleine, Québec

47.219581, 61.993269



Voici le sable

Je marche sur le sable

Était rocher falaises

Se déplace se meut


Dans l’eau 

Sous l’eau

Mouvements ensembles

Lignes vertes ondulées


La main s’avance

Au-dessus du sable 

Une fuite ordonnée

Vers le rivage ou le large


Tout ce sable autour de moi

L'océan modèle

Les rochers et les glaises tombées 

Les lançons et moi en une danse immergée


Mon ombre indécise sur le sable

En obstacle au soleil

Au-dessus des eaux

Qui ont fait ce lieu où les lançons se prêtent à mes jeux de lumière


***

Contre-poème


En plongée avec les lançons

Au-dessus du sable

À ma droite les rochers d’éboulis noyés


Je ne trouve pas l’image

Nuage, assemblée, banc, écoulement, 

rivière, feuillaison, petite nébuleuse

Pour cette sensation

À l’approche de ma main

Leurs fuites, leurs mouvements coordonnés

Par la pression de l’eau

Argentés verts autour de moi


Encerclement, grappe, gaz, nuée, 


Au large des millions

Aux gueules des rorquals


***


Je marche sur la plage de l’Anse à la cabane

Et gratte de mes doigts la glaise grise et ocre

Elle descend de la falaise

Et s’amasse en bourrelets à la limite de la plage

Au loin le cap et la côte rouge des iles de la madeleine

Leurs creux et leurs cavernes où gronde parfois l’Océan

J’ai suivi le rond de l’anse

Pour pouvoir de mes mains

Sculpter le visage qui n’apparaît pas encore

J’aime la sensation de froid ductile de la glaise

Je me salis les doigts et les paumes

Pour offrir à la terre les traits de mes souvenirs

***

Projet pour l’été 2023


Dans la glaise de la falaise, sculpter des visages, léchés par la marée haute, emportés par les marées d'hiver et les tempêtes.


***

Pour un visage qui regarde la mer et l’écoute

Jouit de voir la rive et la côte

Et disparaît avec elle


Pour un visage qui se souvient de la mer

En ses traits qui s’accordent aux marées

Qui sait que ses os sont faits d’iles


Un visage aux vagues qui montent 

Terribles et dures contre la falaise

Tombé dans l’Océan

Quand le soleil ne répond plus à sa voix noyée


***

J’aimerais ici même

Faire un poème de glaise

De ces visages


Dans l’eau la glaise se défait

Les doigts en elle 

Elle s’effiloche doucement dans le courant


Sa couleur se mêle à l’eau

J’aimerais que ce visage d’ocre

Me regarde l’écrire

De ses yeux vides avides du livre des poèmes


Varia

Sa couleur se mêle à l’eau et fait une encre

J’aimerais que ce visage d’ocre

Me regarde l’écrire

Avec la couleur même de sa disparition


***

La glaise tombe, s’écroule, s’écoule de la rive sur la plage qui s’agrandit de cette érosion et forme une anse plus creuse et plus échancrée. Au haut de la plage, le rivage est de la pierre rouge de l’ile, granuleux, plus résistant que la falaise de glaise. Un ruisseau se jette dans la mer au milieu de la plage depuis longtemps.


Si on grimpe par son échancrure on retrouve les prairies merveilleuses des îles.


Si je plonge de la plage, si mon visage entre dans l’eau, je vois le frétillement des lançons se déplaçant par milliers dans la lumière de l’été filtrée par l’eau de mer. 


***

Visages des naufrages

Visages de glaise

Visages dessinés avec elle en sa mémoire

Emportés avec l'île


***


De tous les côtés friable

Comme nos mots et nos os

Ile qui retourne à l’océan

Qui ajoute à nos manques et nos mirages


Là sur l’eau émergent les dos de baleines

Nous ne sommes pas le souffle qui peut faire renaître chaque ile

Où sont donc nos nerfs de visages nouveaux

Nous emporterons avec nous ces mots qui nous manquent


Pour être de la terre et de l’Océan

Ce lieu se détache de moi

En visages qui veulent me parler

Avec les langages oubliés des rivages féconds


***

Trois sœurs vont près de l’échancrure du ruisseau pour descendre à la plage. Le ruisseau plonge dans la glaise qu’il a façonnée et s’écoule vers l’Océan. Là au matin dans l’eau froide, retrouver la mer et sa baie.


***

Être de son ile jusqu’aux os, par toute la peau, à l’aurore avec la falaise et le rocher qui s’érode, la glaise grise qui se fond à l’Océan lentement comme l’ile du Havre Aubert.

***
Trois visages. Deux burinés de mer,  et un buriné de terre.

***

De la glaise de l’Anse à la cabane, je pourrais faire des visages approximatifs, très approximatifs, des ébauches qui ne seraient pas leurs visages. Ils seront emportés par les marées, comme tous les visages. Penser avec douleur que l’île pourrait devenir plage et se muer, seule consolation, en un sanctuaire où les espèces en disparition s’assemblent, loin des hommes.

***

Le vent n’a aucune méthode

Pour faire face aux corps et aux voiles

Contre la falaise et avec les vagues

Il s’applique avec folie

S’amourache d’écume et de sable

Soudoie la pierre pour qu’elle lui laisse son usure

Affole notre raison

Ne contient que notre air

Enveloppe les iles de notre déraison à demeurer

Accompagne la terre et la mer vers son pèlerinage vers nos visages

Dit tous nos gestes et nos mouvements qui emportent


***

J’emporte les lieux avec moi. Ils ne me retiennent pas, ne me détiennent pas. Ils offrent leur obscurité sans détention. Cependant, les chants d’oiseaux vrombissent contre l’acier des avions et font ma respiration. Je n’ai pas encore toutes mes danses et mes subterfuges, mais les lieux me stupéfient par la mémoire de leurs matières. Et je passe en elles, je me dépose en elles. 

***

Mon visage dans l’eau pour le mouvement des lançons, m’entourer, m’encercler.

****

Les lançons me lancent

Et m’enlacent dans l’eau saline

Et sa clarté animale

S’écartent et se rejoignent

S’écoulent dans l’eau coulent


Parmi eux

En leurs ensembles ouverts 

Me nommant corps dans l’Océan



Avec eux lançons frétillant je m’élance

Masse claire qui disperse les eaux devant elle

M’enveloppe de ses mouvements

Ne se ferme pas sur moi 

Se rapproche de moi en m’englobant


***


Silence de l’Océan ou silence de ma mémoire. Celui de l’Océan perturbé par le bruit d’un moteur, au loin. Celui de mes souvenirs peuplés de voix, de bruits et de chants.

Silence à venir et silence de Marcel et François Hébert. De ces trois silences, je trouve une énergie.

***

Silence que j’accueille, que j’entends, que j’ausculte, qui m’a été donné.

***

L’art n’est que le moyen où l’anonyme que nous appelons artiste, en se maintenant constamment en relation avec une pratique, tente de construire sa vie comme une forme de vie : la vie du peintre, du menuisier, de l’architecte, du contrebassiste, où, comme toute forme de vie, ce qui est en question n’est rien de moins que le bonheur

***


Plage de l'Anse à la cabane 2023

Plage de l’Anse à la cabane 2023

Plage de l'Anse à la cabane 2023

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Millerand, iles du Havre-Aubert, Îles de la madeleine, Québec , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 23

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Collège André-Grasset, Ahunsick, Montréal
45,55109, -73.63272

Les lieux engramment les évènements, les dissolvent aussi, par ce travail de la nature. D’où les traces disparues de nos ancêtres, ou prédécesseurs, hominiens avec usage du lieu.

Explorer toutes les résonances des lieux ( de chacun de mes lieux)

Ces lieux, ma mémoire de ces lieux, leurs images en moi ( surtout des images) mais des sons aussi, des paroles (plus rares).

Souffle - particules en suspension.

***
Je dis visage. Quel est le visage de la baleine? A-t-elle un visage pour les autres de son espèce ( pour les hominiens premiers, elle pourrait l’avoir, elle serait un des membres d’un peuple). 

***
2022-05-03

Le lieu, ses ramifications, ses résonances, immeuble de béton isolé dans un vaste champ, aux abords du métropolitain. 
Pas dans ces longs corridors aux grandes fenêtres, solitude. Pas de mer, mais la solitude de la mer.

***

Il y avait des humains et de la poésie, pour la première fois.  Je nomme avec eux l’amour. 

Les voix au matin et au midi, puis le silence recherché des corridors, la pleine lumière des fenêtres, leur chaleur.

***

Dans la salle d’art plastique vibrante de lumière, aux arches de béton, Refus global.

***

Navire déposé à l'envers
Sur le parallélépipède de briques jaunes
Résonnant béton à la lumière mes pensées
Là le livre donné s'ouvre
Refus global

***

D’une brume d’images j’émerge
Regardant par la fenêtre
Le métropolitain
Balafre de poussières et de bruits
Dans le champ le collège au toit vert-de-gris
Pour s’enfuir une prairie 
Pour demeurer le refus global
La poésie se dépose en taches colorées 
Quand elle arrivera, je pourrais habiter

Comment cette vibration du Refus global pourrait me parcourir, de son lieu d’énonciation , lointain ou proche, et jusqu’ici, si je veux l’écrire?

Une main me donne Refus global

***

Du lieu d’où parle Bordas, je l’entends au haut du Collège André-Grasset, dans la salle d’art plastique, voute de béton, où toute la lumière. Pourquoi est-ce ce de la peinture que nous vient cette parole de liberté et de désir et non de la poésie? Parce qu’il s’agit d’un geste vers le sensible. Ce sensible est dans la poésie. Est-elle un geste? Le langage nous conjugue trop souvent à l’abstraction. Les images nous sauvent, en partie seulement.

***

Du premier livre de poésie
Émergent des visages
Après toutes ces années à écrire
Saurais-je les nommer
Dire leurs yeux, leurs lèvres, leurs cils
M’étonner de leurs paroles, de leurs actes

***

Dans cette langue
Il faut bien le dire
De la vie et des désirs
De ma vie et de mes désirs
À recevoir et à donner
Mains tendues non pas à la douleur et au malheur
Joie des libertés à conquérir
Quand j’entends Borduas me dire son Refus

***

Se promener en VU actuellement ou même consommer de l’essence est actuellement de la folie, un geste déraisonnable, hors la raison. Et plus le véhicule est grand, plus son conducteur déraisonne, affiche ouvertement sa folie. À moins qu’ils ne s’en remette à Dieu. Son âme dans une carcasse d’acier très dure et très bruyante.

***

Les lieux humains portent des traces de leur construction et de leur destruction. La destruction de ce lieu de l’homme, Mariopolis (Ukraine), par d’autres hommes, dit la nécessité de prendre la mesure de chaque lieu de l’homme dans ce que l’on nomme la nature. Les deux doivent s’interpénétrer le plus fortement possible. L’importance du lieu apparaît ainsi en négatif, de sa destruction. La destruction des lieux de la nature est concomitante à notre vie réelle. Elle doit aussi cesser.

***

Chaque lieu enregistre chaque mouvement de chaque vivant, ou des objets en son espace.
Ma volonté de faire fi du temps, est ma volonté d’écrire les lieux. En ces lieux, les évènements. Je suis un de ces évènements.

***

Cette question de la lumière. Aux connotations religieuses. Il n’est rien cependant ici sans énergie. En ce sens très concret d’un soleil, de ses fissions, de l’inerte et du vivant, par lui, il advient. Logique matérielle inéluctable, bien que la vie ne le soit pas.

***

Donc, en ce lieu d’écriture, la lumière n’est que cette énergie, cette force, cette dimension, en partage de tous les vivants. 

***

En ce lieu que je nomme poésie, ce collège.
Cet édifice de briques et de béton, où je rencontre la poésie et son refus global, cette acceptation totale, que je rejette si souvent, qui me fait poète.

***

Rencontre de la poésie
Rencontre de la lumière
Où chaque lieu me donne
À l’obscurité de mon corps
Respirant l’air des suffocations et des exhalations
J’entends des pas, des paroles et j’attends des visages
Avec eux je deviens ce lieu

***

Où est ce lieu d’une intime violence, d’une intense vie, d’une si grande liberté, d’une force- résistance incalculée incalculable? N’est-ce pas la poésie?

**

Mais l’espoir fou?
Cet espoir fou de quoi au juste? 
Je l’ai encore en moi?

***

Au lieu du poème
Je suis un fragment
Qui aspire à sa lumière
Elle va me décomposer
M’atomiser en ces mots
Qui demandent ma destruction
Je m’y accorde et aujourd’hui je ne voudrais n’être qu’eau
Quand le soleil me frappe en plein visage ce matin.

***

Arches de bétons roses
Au lieu où la lumière
Entre par les pores
Pour la révolution des refus

Mes doigts dans la glaise
Pour modeler un vase bleu
Don de mes mains avec l’espace
Dans lequel la terre s’alliera au vivant

***

De la joie d’écrire
Vient le bouleversement
Encore les feuilles au printemps
Le retour des migrateurs et des vents
En une main de tendresse
Posée sur nous quand le chant des oiseaux
De tous ces matins
Illuminent l’air et nous taisent

***

La sauvage 
Nous dit que nous sommes de ce lieu
Qu’elle nomme et retient
Avec tous les autres lieux où elle passe
Elle fait de nous ses habitants et ses voyageurs
Quand je me projette et me remémore en elle
Qu’elle me donne la terre et les ruisseaux

***
Et si l’amour
Fait trembler la carcasse de béton
Posée sur l’édifice de toutes mes faillites et mes déconvenues
De mes certitudes et de mes mensonges

***

Bateau inversé posé sur le rectangle de brique jaunes
Vibrante de la lumière des hautes fenêtres
Au faite de cet univers pendant un instant
Où les refus deviennent poésie
L’art resplendit de découvertes et de désirs

***

Je n’ai pas de méthode
Ni de destin
Ni de visage
Ni de voix

Sur l’embrasure d’une fenêtre
Je vois
Des élèves marcher ou courir
Les champs sont proches de leurs pas
Je distingue difficilement les silhouettes

Où je suis
Que le lieu donne
De sa hauteur
J’entends les sifflements du vent dans les fenêtres

Sans leurs voix
Le silence m’étreint
Abandonné au soleil 

***

De ces visages
Je ne peux parler
Ils n’existent pas encore
Ils seront dans la poésie
Des corps qui s’inscrivent en inventant leurs voix
Je ne peux dire bientôt
Même en imagination
Leurs paroles n'existent pas
Ils seront dessinés en courbes fraîches
Les visages auront des cils, des bouches et des yeux

***

Dans mon souvenir, je reçois Refus global des mains de ma professeure d’art plastique, D. Gadbois. Ce souvenir est-il exact? Je la vois me montrer sa copie de Refus global. Je confonds D. Gadbois avec sa mère Louise, artiste portraitiste de la même période que Refus global. 

Refus global est-il pour moi du côté d’une filiation à la mère, puisque ma mère était peintre à ses heures, mais à mille lieues du Refus global. Mais l’insistance, peut-être imaginaire, de D. Gadbois à me faire connaître Refus global penche vers une autre suite des choses.

En quoi ce que j’écris est-il lié au Refus global? Quelle est cette Responsabilité entière du poète, de l’artiste?

On a longtemps présenté Refus global comme un manifeste anti-catholique, en fait il est anti-chrétien et presque anticolonialiste avant que cette étiquette n’existe. Il est bien plus le manifeste d’une responsabilité entière.

Cette responsabilité entière que nous devons partager avec les vivants. Les modalités globales de ce avec, qui n’est qu’un mot, mais implique le lieu, ne sont pas encore définies.

***
Ajout 2022-05-25 . Décrire le tableau de Borduas vu au Musée du Québec comme lieu.

Leurs visages ont leur secret et leurs silences
Personne ne dit tout ce que je ne peux entendre
Dans ces corridors je l’aperçois 
Vibrant malgré la fatigue des courses du vidangeur
Cheveux noirs et sourcils noirs
Corps trapu et fort il écrit de la poésie

***

Réverbérations des visages et des mots
Dans les salles de classe ou les corridors
Bruyantes éclosions bientôt
Jusqu’au toit du monde où être
Lumière de leurs voix

***

Contre-poème

J’avance dans le corridor
Où je ne suis pas
Il semble que l’absence qui me définit
Prend ma place
Et marche vers un lieu
Que je ne connais pas
Qui pourrait s’appeler poésie

***

Bien plus que la révolte, soif du sauvage.

L’autochtone qui a été qualifié de sauvage porte la responsabilité entière de sa terre, de son lieu. D’où cette éternité. Il pense l’éternité des esprits en ce lieu où les morts retrouvent leur vie.

***

L’écriture un lieu où rencontrer les vivants.

Ces hommes et ces femmes, je les retrouve vivants, en ce lieu que j’énonce, dans son inachèvement,vivants encore.

***

2022-05-16

À partir de mes souvenirs
Si je voulais toucher son visage
Le modeler d’une glaise
De bord de fleuve ou de mer
De mes doigts ouvrir ses yeux
Former le galbe du nez, les sourcils très foncés
Le sourire des lèvres, la force du regard
Pour me donner une autre fois a sensation physique de sa présence

J'ai fait un vase bleu

Je le lui ai montré
Il a souri

Est-il poète ou décédé?
En quelque ville ou près d’un lac
Je ne sais où il est 
Pour lui, je marcherais sur des rivages de glaise
Je suis certain que comme moi il voudrait voir un vol de tourterelles


Categories: Collège André-Grasset, Ahunstick, Montréal , Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Web

L’inachevé de la joie – 22

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 22
Tadoussac, Baie de Tadoussac, Québec
48.135580164736815, -69.71666229927519

À l’autre rive
Celle de la mort
On a passé déjà
Après la traversée légère
De l’oiseau contre le vent
Il se pose et déjà je respire
Avec le salin de l’air
En regardant le Saguenay
Se fondre au fleuve

***

Assoiffé des signes du vivant.

	Sur les pierres de la rive, striées de rainures, à Tadoussac, pour moi, et peut-être pour tous ces touristes, la même soif de capter un seul mouvement des vivants, hors de nos vies, dans nos mondes mécaniques et rectangulaires, apercevoir l’essor d’un dos lisse de baleine, son corps sculpté (défini) par l’eau, en courbes, son souffle qui délivre de nos suffocations, de nos pauvres respirations dans l’air que nous contaminons de nos déjections.

****

Extrait d'un poème de Joseph Brodsky

(..)
Souviens-toi bien :
Il n’y a que l’eau, et elle seule
qui toujours et partout reste fidèle
à elle-même, insensible aux métamorphoses, lisse,
là-bas où il n’y a plus de terre ferme.
Et tout le pathétique de la vie, son début,
son milieu, son calendrier qui s’effeuille, sa fin
et s’évanouit
en ridules éternelles, légères, incolores. 

***

Cette volonté d’être avec eux, malgré que nous détruisons en même temps leur quiétude,  puisque nous imaginons qu’ils sont proches de nous, qu’ils sont nos frères et sœurs, qu’ils se parlent avec un langage, que nous ne comprenons pas certes, mais ils parlent avec un langage sauvage que nous ne comprendrons peut-être jamais, ne serait que parce que nous provoquons leur extinction.

***

Ce littoral où nous voyons nos frères et sœurs s’ébattre, épouser la forme de l’eau, nous démontrer la force de la vie dans leur souffle si puissant et leur respiration mortelle.

Comment le littoral appelle les vivants, les convoque, il nous semble, à nos regards, à nos désirs de partager un seul instant leurs vies.

***

Partir pour Tadoussac
Sur les pierres grises si anciennes 
Attendre leur retour
Enivrés de la joie des abondances
Capelans et krills
Au versant du Saguenay
Assemblée de chants heureux
Le long des berges d’homoncules

***

Sens de Tadoussac :
Mamelles
Tadaoskw
Tsheshagui

***

Elles se demandent qui elles sont pour eux
Et n’ont de réponse que le bruit des hélices
Ces humains qui les recherchent du regard
Ont perdu le sens de leur vie

Dans ce foisonnement d’écumes et de dos
Oui le souffle jaillit mot pour dire Adieu
Mais un cri pourrait dire l’apaisement des retrouvailles
Au confluent des eaux nous sommes vivants

***

Où les eaux se jettent dans les eaux
Nous laissons la sauvagerie des paroles liquides
S’ébattre pour la piéger dans nos regards
Nos voix étanches de la pierre 
Pour le dos luisant qui plonge en nous

Vous ne vivez pas ici

Voici vos bateaux de fer leur moteur de meurtre
Ils sont en nous ces meurtres
Nous ne les oublions pas
Même si votre regard n’a plus la soif du sang 

***

Ils errent dans leur joie
Les humains veulent les voir surgir
Où ils ne vont plus
Dans l’écoulement magnifique de leur vie

***

Soif sauvage d’une autre vie
De ce promontoire jusqu’à la rive de la Gaspésie.
Moteurs en marche regards alertes.

Débordant de l’horizon 
Leur clameur en souffle sans nous

Le vent, le soleil, l’eau et  les nuages
Condensés en un seul geste 
Qui montre notre folie
Suspends nos pensées et notre respiration
À Tadoussac entre la pierre et l'océan

***

La neige tombe doucement en avril
Elle s’accroche au chaos des arbres
Qui est l’ordre du monde
Où je dois être
Qui est aussi ailleurs
Au bord du salin à Tadoussac ou à St-Félicité
Là où m’appelle le vivant
Au plus près possible de ma peau et de mes cils
Dans ma langue et ma poitrine
En chaque lieu tombant 
Hors de la beauté d’une neige de printemps
Bélugas blancs sur le rivage yeux clos

***

D’où vient que la vue de l’eau nous apaise et appelle notre regard, à ses changements, aux vibrations répercutées, aux vivants qui pourraient apparaître à sa surface? D’où vient cette joie du vivant que l’eau recèle, enregistre?

À son horizon la peau de l’eau n’est-elle pas l’espoir de ce surgissement primitif de la vie. Le langage primitif de l’apparition qui affirme notre vie avec les vivants. Ceux qui disparaissent de notre mode d’existence, nous imaginons que de l’eau ils pourraient surgir à nouveau.

L’eau nous appelle constamment de ses sons, de ses couleurs, de ses images ( et l’air, qu’elle laisse glisser sur elle, en vents parfois si puissants). Elle semble vouloir nous prendre pour nous amener ailleurs ( en ses vagues et vents). 

Cet ailleurs imaginé où la vie surgit indéfiniment, sans interruption, pour notre plus grand étonnement, notre plus grand bonheur.

***

Aujourd’hui, je rends grâce à l’aube d’apparaitre. Au monde, de cette aube, qui s’achève maintenant.

***
Au seuil, où les eaux se rencontrent, fécondant ces vies de la remontée des eaux.

***

Un point à l’horizon
Un oiseau ou un souffle
Désir du vivant
Jusqu’aux entrailles décomposées de la terre
Qui se nomme homme
    • Qui se dit homme

***

Oui nous nommons les choses, en ce sens nous sommes un condensé de vie et d’informations, dans le continuum du vivant nous sommes une intensité. Cependant nous devons peut-être penser que d’autres intensités nous nomment, nous désignent, font de nos actions un récit. 

***

De l’eau
Émergeant de ma vie
Vol d’oiseau 
Au couchant

***

Pas d’un point
D’un frémissement, d’une vague, d’une éclaboussure
Au loin 
Le reconnaître
L’entendre sur ce rocher
Entre deux eaux qui se joignent
Fécondant les profondeurs
En milliards de pulsions
Jusqu’aux gueules avides des baleines
Là où je ressens cette vibration
Dans l’attente d’une apparition
A contrario de toutes les disparitions
Ma soif de voir émerger une aile, un dos, un souffle

****

Désir d'un signe
Au lieu où je suis
Sur un rocher gris 
Érodé de vent, de glaces, de marée
Et moi vivant à la peau lisse
Émerge ce mot ou cette image
D’un dos arrondi l’eau
D’une aile lumineuse
Déposant cette joie en moi
Pour la dire aux vents, aux eaux, aux glaces
Contre tout espoir de leur disparition
En signes que je pourrais écrire
Tadoussac rassemble en lui les eaux, les pierres, les arbres, les sables, les marées
Et me les offre
Ma respiration se conjugue à lui
Quand j’apparais avec les signes du vivant

***

La pierre où je m’avance entre les deux eaux 
À la rencontre du fleuve et de la rivière
Qui l’a formé
Je m’y assois et j’attends

***

De l’émergence du vivant où je suis
En ce lieu nommé Tadoussac
Avec ces vivants du foisonnement
D’où je ne suis plus
Navire de bois résonnant dans sa nuit
Dans l’attente de ma propre vie
La fécondité des eaux qui s’émerveillent
De la vie jaillissant contre mes pores
De salin gonflé d’embruns secoués
Une caravelle au vent debout
Pour d’autres humains aux visages masqués
Nous étions au coeur de ce battement
À l’horizon avec votre apparition
Qui ne saurait tout détruire de lui



Categories: Baie de Tadoussac, Tadoussac , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Web

L’inachevé de la joie – 21

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 21
Motel du Haut-phare, Cap-des-Rosiers, Forillon, 
48.85592099081837, -64.20449201712596

31-03-2020

Quelle métaphore trouver pour la pointe de Forillon: Navire, ou paroi de grès, qu’est-ce qui s’avance lentement vers le bout du monde ou la fin du monde? N’est-ce pas l’homme?

Homme blanc couché dans l’eau
Dos d’homme couché dans l’eau la tête en avant

***

Dans la baie de Cap-Des-Rosiers
Les capelans roulent à la fin du printemps
Pour les gueules des baleines
Le long des falaises roses au couchant de Forillon


***

Lentement s’avance vers la fin du monde
Je regarde l'homme couché de Forilon au dos de pierre ciselé
Il n’y a que lui qui puisse dire
Quelle sera la fin du monde
Est-elle faite de ces extrémités du paysage quand il atteint sa beauté?
Ou de baleines échouées et épuisées?

***

La métaphore pour dire le cap de Forillon
Navire, tableau de grès, muraille?
À l’extrémité du monde Gaspé
Un homme épuisé
Au dos labouré
Friable comme le calcaire
De toutes ses pêches et de toutes les famines
Dans les anses de tous les noms donnés 
Pensant la fin de son monde 
Sculpté de soleil couchant
Heureux un instant d’être encore en vie
Sur la plage où les capelans roulent

***

Force ébréchée, mais couchée
De la falaise de Forillon
Homme épuisé, mais vivant au couchant
A bout de force

***

Homme barque épuisé
Couché dans la mer
Le long du soleil couchant
Au dos érodé
Écoutant le dernier souffle des baleines

***

Dans toutes les anses de Gaspésie aux barques déposées sur la rive, les filets étendus et les morues à sécher, des maisons ou des abris, le long du ruisseau qui descend vers la mer, des hommes et des femmes, épuisés peut-être affamés, avant ou après la saison de la pèche, au seuil du long hiver ou au printemps avant la pèche, quand il n’y a plus rien et qu’ils ont imaginé la fin du monde. 


***

Une falaise de craie
Immense de beauté
Au soleil couchant
Le capelan roule
Un autre monde 
Une autre fois

***

	Du motel du haut phare, dans la baie de Cap des Rosiers, ce continuel passage des oiseaux entre la falaise et le phare.

***


Je tente d'imaginer tout le littoral nord de la Gaspésie, de St-Félicité jusqu’à  Forillon, et au-delà le point d’exclamation du Rocher Percé. Je le ressens et je le vois avec tous ces noms glanés la présence de tous ces hommes et femmes au flanc des rivages de poissons, tirant des filets, donnant des noms de lieux aussi profonds que le fleuve, aussi charnels que la  pierre, la terre et l’eau réunies au rythme des marées.


***

Issus du cadavre de l’homme couché dans la mer
Le dos aux vagues
Émergent des cormorans et des guillemots
Traçant dans la baie leurs lignes
Pour le rêveur de pierre qui regarde et écoute
Devant la plage de Cap-des-Rosiers

***

Je peux dire
Regarde tous ces oiseaux qui passent
De la pierre au couchant
Jusqu’au phare qui s’éveille
Leurs passages de ma bouche à ma mémoire
De la falaise à l’horizon
Du ciel à l’eau
Incessantes traversées

Ils m’allègent de leurs vols

***
2022-04-06

Toute la rive parcourue
Jusqu’où la pierre se couche dans la nuit
Avec les oiseaux je reviendrai
Aux falaises qui sommeillent en moi

***
La falaise a la légèreté de l’aile au couchant
D’elle les oiseaux prennent leur vol 
Vers elle ils se fondent au rosé
Dans la baie ils ne cessent de m’enlever
De m’amener où ils disparaissent

***

La pierre qui s’ouvre de ses fracas
Aux oiseaux de bout du monde
Dans la baie en files de mélancolie
De ce monde détruit par nous avec tant de légèreté
Qui nous bouleverse encore de ses passages dans nos mémoires
Où nous voulons sa renaissance 


***

Fin du paysage
Condensé d’ailes
Entre mes regards
L’apparition des fulgurances
De la pierre à l’eau
Du ciel à mon coeur

***
Quand les oiseaux là-bas emportent mon désespoir
Et reviennent du rosé de pierre légère
Dans l’attente du souffle des baleines
Pour notre respiration retrouvée

***

Au bout du monde
Quand les oiseaux émergent du rosé de la falaise
Que reste-t-il à écrire
Sinon notre Terre qu’ils traversent de mes éblouissements

***

De St-Félicité
La ligne de pierre du rivage
À l’eau mêlée de brumes
Jusqu’à Forillon
La joie du rivage et de la marche
Jusqu’à la falaise du bout du monde
Où les baleines creusent l’Océan de leurs sauts

****

À la pointe de Forillon, une fois marché le chemin aux maisons abandonnées, longeant les plages de galets, sur cette pierre en promontoire, voir les baleines sauter. Baleines de Tadoussac, baleines des Îles de la Madeleine, baleines de Mingan. Les voilà imaginées, aux dos lisses de millions d’années d’eau, se coulant dans la mer, et sautant pour nous dire :  Vous serez vivant.

Vous serez vivant
Une fois que vous vous serez arrêtés

****

Sur le promontoire, je ne peux aller plus loin, je ne peux qu’attendre entre les oiseaux qui nous font signe, les baleines, le chant de leurs souffles.

Du chant de leurs souffles, le mien

***

Est-ce temps brumeux
Où l’homme de pierre reçoit la vibration du chant
Entre ses côtes coulant dans l’Océan
Sa tête émergée jusqu’à sa première lèvre

**

Le temps brumeux des récits 
Où les baleines sautent
Hors leurs berceaux de mer
Dans mes regards figés les eaux éveillent des larmes
La falaise au couchant saisie de vivants
Arrêté attendant que le jaillisse le souffle d’un dos noyé

***

La baleine se fige et deviendra le bout de la terre
Où je marche
J’attends que son souffle me surprenne
Et qu’elle bouge avec moi
Vers une autre fin du monde

****

La légèreté de la pierre 
Au vol des oiseaux 
Assemblés par mon regard
Qui recherche a tout instant
La grâce de leur vol
Me liant à leur vie
Traversant les vides entre les battements de mon cœur

***
2022-04-13

Voici l’aurore ce matin
Rosée comme la pierre de Forilon au soir
Légère comme le vol des fous
Évanescente comme moi



Categories: En cours de publication , Essai , Forillon, Gaspésie , Poésie , Récit , Web

L’inachevé de la joie – 20

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 20 - St-Félicité, Manoir des pins, Sentier du littoral
48.90112, -67.34073


	Pour une raison inconnue de moi, le paysage fluvial de la Gaspésie ouvre à la lumière. En ce sens des états de la lumière atmosphérique, dans le corps, pas seulement la pensée.

	Marcher sur ses glaces encore une fois.

***

	Érosion de soi dans l’érosion de la côte. Travail de la glace, du vent, des marées, contre le corps offert aux rivages.

***

	Ce qui me retient à ces lieux, aux flux d’images et de sensations de ces lieux - leur beauté - ma présence en eux

	Les lieux que l’homme habite ne sont pas nécessairement beaux, ils sont les siens. Les détruire c’est aussi le détruire.


***

	Le paysage riverain de la Gaspésie culmine à Forillon, qui condense toutes ses caractéristiques en une offrande de pierre, de mer, de vent et de vie.

Vue du Motel du haut phare.

***

Les pierres du rivage
Non pas peaux de déflagration
Aux taches orangées
Roulis des vagues autour de leurs arrêtes

Au départ de la marche
Pics des rochers dans la baie de St-Félicité
Le paysage de la mémoire se compose lentement
Pour coïncider au fleuve
Là-bas dans sa lumière


***

Le bord de mer de Gaspésie, mes pas sur les sables, les ardoises, entre les massifs d’églantiers, sur les algues, crevasses où des animalcules naviguent. Algues vertes, algues brunes, parfums d’algues, de mer, animalcules.


***

Animalcule dont je ne sais pas le nom 
Pour toute la lumière du fleuve

***

Toute la lumière du fleuve
Jusqu’à la falaise mouillée de brumes


***

Les ardoises, debout, couchées, en lamelles; galets sur les plages.

Marcher sur le rivage, parfois se cassent, ardoises envahies ou non d’algues, en leur creux, eau saline du fleuve, animalcules, ont dit aussi invertébrés.

La courbe de la plage, sable noir de ces ardoises, une avancée de pierre à son extrémité ( côté ouest), la marche sur la plage commence.

Le corps non pas seul, celui que j’imagine être le mien alors, le déposer dans le paysage avec ses animalcules, aux marées basses de la déambulation.

***

La rive
Où elle s’érode la Gaspésie
En feuillètements d’ardoises
En falaises noires et grises rencontrant les hautes marées d’automne


Le bruit de la guerre effacé en moi par le bruit des marées. Le ressac de la guerre en nous ‘qui en avions entendu parler ‘. Quelles sont les paroles de guerre que le ressac des marées couvre ( en moi)?

L’ardoise du cœur détachée, roulée mille fois, revenue, repartie, tournant pour écrire le débris, les scories, la lessive des passages de ces mouvements de guerre.

Ardoises et pierres de la Gaspésie, formées de volcans, strates, au vent, récits de rien, si ce n’est du rivage, des marées de ce lieu qui commence pour moi à St-Félicité

Cette félicité par où commence la marche sur le littoral de la Gaspésie.

Le littoral de cette Gaspésie du fleuve et de l'estuaire culmine à Forillon et avec le point d’exclamation du Rocher Percé.

***

Je peux voir ma déambulation près d’une falaise embrumée et mouillée, mais je ne peux la situer exactement le long de ma marche sur le littoral, ou à l’intérieur d’une marche.

J’ai la saveur et la tonalité du paysage à cet endroit, mais pas l’entièreté du parcours qui m’y mène.

***

Roche non pas touchée
Mais mouillée
Reçue de l’incessant des vagues
Des eaux salées des marées
Modelant, façonnant

L'humain  ne peut le faire

Pourquoi est-il capable d'une telle force de destruction, mais es incapable d’une puissance équivalente de renouvellement et d'édification? La mise au point de l’arme atomique a été complexe, mais sa puissance et la multiplication de sa puissance  n’est pas équivalente à ce que l’homme devrai utiliser pour changer sa relation à l’énergie et aux forces qui l’entourent afin d'entrer en relation circulaire avec elles, pour amorcer un lent mouvement spiralé et non en confrontation.

***

La réception du vent au torse, aux jambes, en hiver, le long des glaces, quand cingle la pluie, pour avancer le long des bruits de l’apaisement, les craquements des petits mollusques sous les pieds, comme si à chaque pas on détruisait des dizaines de vies. De ce vivant à consommer, à émasculer.

Il est nous, nous sommes en lui.

Le vivant comme une gifle. Nos heurts aux vivants, sous nos pieds. Mes prédations, nos moissons, nos arrachements, pour nos vies. 

Le saluer en ces lieux où l’horizon s’ouvre à la lumière. 


L’horizon de lumière
Où l’ardoise est lavée de nos pas
Les craquements aux pieds
Ne sont pas des fissures

Dans les lacs des marées basses
Cette vie qui nous résiste
Attends la fin de nos passages
Pour réapparaitre dans une splendeur que nous ne verrons pas

***

Le sentier du littoral qui va de St-Félicité à Grosse-Roches est surement un des plus beaux de la Gaspésie. Je ne peux en rendre compte complètement de mémoire. Je me dois d’y retourner.


****

Animalcule dans la flaque saline
Malgré mes effluves et mes regards
Me redonnant avec le chuintement des marées
Et les rêches odeurs d’algues
Un souffle de vagues

***
Comme issues des pierres
Les stromatolithe
Première forme de vie

Dans les flaques d’eau
Entre les ardoises
Théâtre d’animalcules 

La marée fait glisser l’eau vers le fleuve et mon pied
Quand elle dévoile les algues lisses 
En déséquilibre vers le salin qui vibre de vivants

***
L’eau saline
Entre les rochers
Où la danse des animalcules
Si loin dans les courants
L’espace sans frontière des vivants
Des fleuves et de leurs océans
Dans leurs berceaux de pierre

***

Oui, le fleuve est aussi d’eau salée

La courbe de la plage de St-Félicité
Me mène aux récits d’animalcules
Derrière les éperons d’ardoises
Le sable noir au pied
Se pencher sur chacun des berceaux que laisse la marée
Coule sur la peau le salé du vent
Malgré moi cette vie me dit ce lieu

***

Dans l’évangile selon St-Mathieu *
Jésus marche sur l’eau
D’un océan qui ne serait pas mer morte
J’aimerais tout le sel du vivant
Dans ma bouche et mon cœur conserver
Mais je ne suis que les os de mes mots
Qui sertissent le berceau de l’Océan

*Pier-Paolo Passolini


**

Le ruissellement du ruisseau
La rumeur du fleuve
Et son enchantement
Des glaces aux algues
L’espace qu’ils ouvrent
À la lumière des vivants
Autour de moi à tout instant
Dans cette marche sur la pierre des eaux

***

Pour l’écrire
Je navigue entre les glaces
De Matane à Rivière-au-Renard
S’assemblent, se chevauchent, se brisent les une sur les autres
Emportant rochers et algues
Coquilles et lambeaux de paysages
Essoufflés d’érosions

Que les hommes animent

***

Au même moment, ce moment qui n’est pas le même, où les coraux blanchissent un missile hypersonique s’abat sur l’Ukraine. Le lien entre les deux moments: moi, un homme.

Moi, mon corps, mes paroles qui n’avons pas su éviter ces afflictions, ces destructions.

Ce que je goute, ce que je manipule, les mécanismes et circuits que j’actionne sont tous les conséquences d’une destruction.

Les Kogi, gardiens de la terre. Ne pas la détruire selon eux impliquerait de ne la toucher que pour des cultures légères, sans impact, en laissant à chaque récolte, une offrande.

Cette façon de penser nous est devenue étrangère, j'ai tenté de la mettre en mots dans deux de mes livres Paroi et Esthétique de la disparition.


***

La marche avec les sensations des marées, l’écoulement vers le large, l’eau retenue entre les roches et les sables, le fleuve vers l’Océan. Mon corps qui se liquéfie et coule sa lumière vers la lumière. Dans la marche, à l’écoute des vagues, aux odeurs salines et lourdes, sous mes pieds, les craquements des pages d’ardoises et des ponctuations de coquillages.

Mais le littoral n’est pas un livre, même si on lit avec les cormorans, les eiders et les guillemots.


***

Contre-poème

Des animalcules, des coraux
Quand des enfants meurent
Quelle poésie s’agite?

Pendant que des enfants meurent
La beauté de notre berceau est détruite

Quelle est la vérité de cette poésie?
Quand elle parle de ce berceau de pierre
D’où surgit ma voix
En marche vers l’océan
Alors que les enfants sous les décombres crient


****

Contre-poème

De tous ces effacements, l’humain emporté
Quel sera son nom?

Qui suis-je au milieu de toutes ces disparitions?
Quelle est cette voix dans ce fracas?
Bien plus assourdissant que celui des marées et des orages

Quel est ce fracas dont mon corps est fait?

***

La félicité d’écrire ces lieux
De les parcourir en fermant les yeux
De les revivre en mots
La félicité d’écrire
Je voulais l’écrire ce matin

***

Animalcule égaré sur la plage
Avec ses souvenirs balbutiants
Devant Google Map
Ne plus savoir exactement l’au-delà de l’anse de St-Félicité
Entre les trous de mémoire

Revoir les eaux glissant sur les rochers
Le son des pas revient aussi
Dire que la vie contient aussi sa négation
Au-delà d’un passage où il faut grimper à marée haute

L’animalcule aux quatre membres
Sait que l’eau le ronge d’un incessant mouvement
Il n’est pas de pierre, mais d’eau

Marcher sur la plage hiver, automne, été
Tout le littoral le parcourir
De la Gaspésie, flocons de paysage dispersés
Sables gris et froids pour les algues et les glaces

De St-Félicité à Tourelle
Le rivage de mes marches
Dans ma mémoire en strates 
L’ardoise en récits lessivés et arrachés à prendre dans la main

**
D’une vasque de pierre à l’autre
Coulant lentement
Aux animalcules enfermés 
Moi dans l’athmosphère
Eux dans leurs eaux

Les rochers bruns à la peau vieillie et salée
Se prolongent en sables foncés
Jusqu’à un éperon d’ardoise
Où mes pieds peuvent glisser
Sur l’écoulement lent des marées

Les vagues avancent avec le fleuve vers ses lumières
Elles me conjuguent avec les océans entiers
Où ma marche ne peut se poursuivre

Je rencontre dans l’air
Le salin que les vivants de mer agitent
Ils se meuvent avec rapidité
D’un bord à l’autre de leurs bassins

L’eau retenue entre les pierres
Est l’atmosphère qui me gorge de leurs mouvements

Je parle de toute la plage et de tout le mouvement
Dans mon souvenir liquide j’avance vers Grosses-roches
Où il se déverse dans d’autres mains

***

Marche avec un long morceau de bois courbé et mince, à l’écorce enlevée

Sur le littoral toutes ces échoueries ( de bois), venant, je l’imagine, de la Côte Nord.

***

Ce qui est enlevé de soi par la lumière
Se perle de mots

***

Venue du nord
La branche échouée et blanchie
Dans la main soulevée
Longue et courbée
Pour tracer avec sa pointe au loin l’Océan

L’Imaginaire de l’Océan
L’océan le contiendra
Avec tous les océans dessinés par lui et avec lui

***

Je n’oublie pas les oiseaux
Non je ne les oublie pas
Mon regard se projette vers eux
Au large assemblés ou seuls
Signes que je suis vivant avec eux

***

De la branche inventée du poème
Je ne peux faire ce symbole de paix
Tenue dans les airs par ma main
Je la laisse flotter sur le frasil
Elle se courbe de rivages et de flottements
Dans les glaces et les graviers
Se dépose sur le sable noirci de St-Félicité

Ma félicité vient du paysage marin et de sa rencontre
À m’immerger en ces lieux
À flotter entre leurs couleurs et leurs odeurs
J’aimerais être un animal de cette paix
Mais je suis saisi de guerres

***

Sur google map je regarde St-Félicité, pour faire correspondez mes souvenirs-images et les ausculter. Nom prodigieux de la Gaspésie : La croche du Criard, L’Anse à la croix, Cap à la Baleine, Grosse-Roches, Ruisseau à la loutre, Ruisseau à Sem, les Méchins, L’Anse pleureuse.

Parcourir la Gaspésie c’est aussi voyager dans ces noms délicieux, si proche du paysage, si poétiques!

***
 
Après la plage de St-Félicité il faut  grimper un petit promontoire à marée haute ou montante pour aller vers L’Anse-à-la-Croix.

La Félicité du paysage Gaspésie commence pour moi ici, mais elle est aussi dans ses noms parcourus à pied ou en voiture, jusqu’à Cap-des-Rosiers et Forillon.

Mes marches se sont arrêtées entre Tourelle et Cap-au-Renard.

***

Je dois tourner mon regard vers le fleuve. Ce qu’ils appellent la mer. 

***

Feuillétements d’instants
Ma mémoire de l’espace 
Dans l’espace
Chacun de mes gestes à retrouver
Dans les strates du paysage
Se défaire du temps ( le laisser dans l’espace)
N’est pas se défaire du corps
D’un point à l’autre de ma vie
Où l’offrande se termine

***

En lisant le pamphlet du Sentier du Littoral ( St-Félicité)  j’air recomposé quelques un de mes regards sur la côte Gaspésienne de falaises et de plages de galets et de sables, d’anses et de rivières. De St-Félicité, on voit à l’horizon la rive haute, on imagine son défilé, elle apparait dans sa splendeur immobile , noire et grise, brumeuse, je ressens de nouveau sa lumière particulière, sa teinte.

Une teinte de gong lente émergeant du fleuve, comme son extension et sa limite, non pas jusqu’à sa fin, mais vers son achèvement, à Forillon.

Splendeur du paysage de Cap-des-Rosiers - Motel du Haut Phare.

***

De ce qui s'est échoué sur la plage
Non pas le paysage
Ni moi, mon corps
Ni encore sa pourriture
Une branche, des coquillages, des algues
Tout mon regard se lève de ces échoueries
Quand la pierre des falaises se fond à la brume en un sfumato de mer
La résonance de l’eau à l’eau, de la pierre à l’eau, de mon corps à l’eau et à la pierre
J’entre dans le paysage afin qu’il me parcoure

**

Ce que j’ai appris de l’écriture de Paroi, c’est ce versement d’une chose dans l’autre, d’une expérience dans l’autre, indéfiniment. Elles forment ces poèmes? Phrases? Écrits? Autonomes, l’une dans l’autre  ( comme une rosace de Dante analysée par Mandelstam) en un ensemble de résonances qui va des lieux à nous et de nous vers ces lieux, en une montée de transformations les unes avec les autres, les unes dans les autres.


***

Sur la plage de St-Félicité
Marcher vers l’est 
Un ruisseau et une petite falaise
Grimper où l’eau se jette à la mer
Près d’une maison rouge en surplomb
Pour passer de l’autre côté du massif d’ardoise
Ente les pins et les églantiers 
Où entrevoir la côte 
Sur ses pierres élevées
L’eau saline éclabousse en bas
Les pas suivent un sentier
Tracé depuis si longtemps
ll se confondra  avec la plage
Une fois descendu vers un boisé et le sable chaud

***


Le rivage condense toute la terre
En une ligne abrupte et souple
De pierre et d’eau, d'échouerie et de vivants


Le vivant, c'est ce qui parle avec moi et la terre, de moi, du vivant et de la terre.

***

Au lointain
L’assemblée des oiseaux
Sans paroles
Aussi légère que leur apparition
Au seuil de mon regard
Pour m’offrir l’Océan
Le vivant approche 
Marchant sur l’eau
Avec ses ailes et sa soif
De mots et de mémoires

***


Pour le fleuve
Il y a le lointain
Que ma main ne touche
Où la profusion décantée d’ailes et de bec
De nulle part apparus
Battant entre mes côtes
Exilé du littoral

***

Jusqu’où la parole poétique ou la poésie, peut-elle résonner d’elle-même. Les mots, les vers, en résonnance contre eux-mêmes, sont-ils l’extension du monde ou leur simple rapport, leur amplitude, qui indique la substance du monde?

Ainsi ces oiseaux, leur apparition, leur disparition, leurs mouvements, pour en rendre compte, les dire ou les faire résonner de mots...ou faire une nuée de mots...

***

Nuée de mots

Au bec    Quand de ses ailes
Éclaboussée    sans regard
Plongée jusqu’où   Je ne suis pas 
Je pose sur l’eau   Un instant marche
À l’envol    deviennent d’air
Et leurs regards       entre eux 
Leurs voix       sur le rivage
Mes yeux loin   plumes froides
Volée grisante        Les cormorans
Sur un rocher   ne rien faire 

***

Nuées 
Au contraire de la pierre
Où l’eau
Pour les mouvements
Et les proies
Que je ne vois
S’envolent rosacés
Flottilles aussi
Vagues perlées d’ébats
Non  au rivage debout
Dans l’océan qui noie
Ils se bercent

***

Qui dit nuée
Dit peut-être aussi nébuleuse
Chargée de poèmes
Composés où 
N’est pas fixé
En suspens
Attendant
Sur l’eau ou sur les rochers
Dans l’air en vol

***

Dessin

***

Sur la mer les oiseaux se déplacent en fonction ds marées et des poissons, au-delà de la limite ou non de mon regard.


***

Nuée du paysage
Dans mon regard
Je l’entends
Au loin qui se rapproche
M’entoure et m’enrobe
De ses oiseaux

***

Intempéries d’oiseaux
Flocons d’ailes
Tombent
Et reviennent au nuage
Si rapidement sur les eaux
S’éloignent avec leurs proies
Et la sensation d’un monde vivant
Que je ne peux atteindre

***

Nuée vibratile
D’ailes
D’éclaboussures
De proies soulevées
De vagues
Là, non loin
Inatteignable de la rive
Tout mon corps projeté en elle

***

Nuée de pierre
D’églantiers
D’algues
D’eau s’écoulant
De cormorans
De sables noirs ou dorés
D’où émerge la rive
L’étendue d’eau là-bas
Où plongent les cormorans
Où s’ébruite le fleuve
Et la falaise où bute mon regard
Quand j’entends le cri des mouettes
La nuée devient littoral
Je marche
Aux odeurs d’algues
Tant de vent
Tant de lumière
Qui dépose autour de moi le paysage
Et me dépose en lui

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , St-Félicité, Gaspésie , Web

L’inachevé de la joie – 19

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 19
La falaise près de l’étang, lac Spectacles, Wenthworth Nord, Québec
45.81285332929021, -74.52382243981152


En hiver la falaise est l’endroit où je monte vers le somment du mont d’où je peux voir le lac Spectacles.
De cette montée, j’ai surtout des images d’hiver. La falaise se couvre de glace.

***

De tous les lieux que je nomme et écris, souvent me vient le désir de retourner en eux, ou vers eux.

***
2022-03-07

Je vois le gros VUS que mon voisin d’en face vient d’acheter. Peut-être qu’étant donné ce qu’est l’homo sapiens, les changements climatiques sont inévitables?

Après avoir lu ce matin tous les articles sur la guerre, celle-ci était-elle inéluctable?
De l’inuctabilité des évènements ou transformations, l’homme a été confronté durant toute son histoire.

Nous l'avions oublié, l’histoire.  Elle nous frappe de plein fouet par ces images de nos espaces dévastés. Puisque c’est bien là, dans la destruction de nos espaces de vie, d’habitation que se joue la guerre.

Tout lieu d'Ukraine devient champ de bataille.

Ce n’est pas la première fois qu’homo sapiens doit répondre à des évènements climatiques inéluctables, mais le fait qu’il les provoque lui-même est la conséquence qu’il est devenu une espèce dominante qui se met en péril par sa propre expansion.

Il est confronté à la logique de ce qu’il appelle nature et qu’il nie. Cette crise n’est pas inéluctable, mais les ressorts symboliques, la construction d'un nouveau paradigme implique une forme quelconque de changement spirituel, inspiré peut-être des peuples premiers ou de nos ancêtres.

Il restera toujours quelque chose, même dans les conditions extrêmes, de cet homo sapiens. La guerre d’Ukraine montre une petite partie de ses capacités d’auto-destruction qu’il applique aussi son environnement.

Le déséquilibre est constitutif du mouvement, de la vie, tout comme l’entropie qui flèche les évènements dans un certain sens.

Poutine nous jette en plein visage notre histoire, ou l’histoire.

Sa destruction des espaces de vie ukrainiens est effrayante. Guerre de destruction  contre des frères.

L’autre est ici un frère, mais le décalage entre le frère et son frère russe, doit être éliminé.

Cet état de déséquilibre extrême dans lequel se plonge l’homo sapiens l’entraîne vers plus de douleur. La destruction des conditions actuelles de ce qui est la Terre-Gaia.

L’équilibre de l’évènement Gaia qui a rendu possible l’apparition d’homo sapiens est suspendu ou détruit.


***

Une quelconque machine
De guerre, de destruction
Comme du roc
Comme un mur

***

Comme je tombe
Ainsi tombent
Les neiges
Je roule

Devant moi la falaise
Quelconque machine 
Agencement de roc
Pour le déséquilibre du regard

Où suinte l’eau
La main se tend
La pierre se fissure

Le roulis des sensations
Dans la neige
Le corps la rejoint
Et tourne

Hors de portée
La paroi mouillée

Les mains froides
Se retenir à l’arbre
L’immobilité se propage
De la pierre aux muscles

La falaise assemblée en ses glaçons
Laisse fuir un peu de beauté
Sur mon visage rougi

***

Débris de machine
Débris de mur
Débris de forêts
Pierres qui roulent

Les fracas de nos déséquilibres
Arpentent nos os
Qui glissent les uns contre les autres
De nos dévastations

Falaise où appuyer les mains
Sans le tremblement des obus loin là-bas
Aux frontières de la peau et de l’inéluctable

L’eau de la falaise donne à la bouche
Des paroles pour ralentir la chute
Sur le glacis des images des corps brisés
Une branche retient le geste

S’abandonner 
Au vertige des masses
Formant la montagne

En nous le fracas ne cesse pas
De dire les nerfs des chutes et des ascensions

Les arbres au vertige tiennent 
La main de celui qui glissait sans fin

***	

Pas de je
Qui est-ce je?
En déséquilibre sur la neige
Au vertige de la falaise
S’ajoute le froid

Qui est devant ces morts?
Des dévastations de la terre
Des bras et des machines
Entre les dents d’acier 

D’ocre ou d’ivoire
Ce je devenu d’acier 
Aux dents d'ivoire
Qui vibrait au vent ou à la pluie
Cadenassé en ses bielles et ses images

Une terreur anime 
Une bouche épuisée
De tourner dans la rouille des exactions

Cadavres de paysages
À l’épuisement des vivants
Eau des suintements de blessures
Avec cette terre qui attend le souffle

***

Le roulis de chacun
Le vertige de chacun
Devant cette falaise
La pierre du gong assemblée
En l’espace des chutes
De tous ces humains qui vacillent
La tête dans la cloche des fracas

***


Il n’y pas de parapluie blanc pour nous sauver
Pas de parapluie blanc
Comme un drapeau blanc

***

2022-03-10

De la guerre d’Ukraine nous n’entendons pas les explosions, nous ne ressentons pas les déflagrations, les brusques poussées d’air, saturées de poussières et de gaz. Et les tremblements*.

Nous pouvons l’imaginer, en partie, mais c’est au lieu et dans le corps que ces sensations extrêmes et violentes s’arriment.

Telle est la définition de la violence: une atteinte au corps, un déplacement brusque de l’espace habité et familier, une destruction des lieux construits pour sa présence, une atteinte aux muscles, à la peau, aux os. Les blessures.

*Le tremblement que Glissant met au coeur de se poésie.

***

La falaise
Pierres dispersées à mes pieds
Marcher dans le fracas
Vers le mur
Le contourner 
Monter

***

Sur un pied
Vers une chute
Tombe
La neige en tombe
Un instant
Les longs bras ne m’ont pas retenu
À la renverse du ciel


***

Au fracas
Les os détachés du corps
Le souffle emporté
Le ciel et les arbres
Contre le mur qui avance
Falaise 
Où chutent
Où tombent

***
Contre les pierres
Les murs en lambeaux
Les vallées et leurs fracas

Pas de parapluie blanc
Pour nous cacher de notre histoire
Nous protéger de nos lieux dévastés
Des déflagrations d’espèces et de maisons

***

À la montée 
Perdre pied
Les longs bras gris 

Après le fracas
De l’immobilité de la paroi
Tableau où est peint l’inéluctable
Des chutes et des tombées

Rien ne me retient
À ce ciel découvert
La neige amorce
Le froid à mon dos

***

Tendre les mains 
Attendre des bras gris
Un soulèvement, un allégement

Le fracas des éboulis au loin
Les pierres dispersées en corps fantassins
Gardiens d’une forêt et d’un sommet
Au haut de la falaise le vertige et le déséquilibre de nos chutes

***

Ces hommes dispersés au bas de la montagne
Recroquevillés, prostrés
Attendant, couvert de feuilles
Le souffle d’un apaisement

***

Je n’entends pas les explosions
Leurs souffles ne se répètent pas
Je vois le fracas de la falaise
J’entends le suintement de l’eau
La beauté de la pierre dans chaque geste

***

Pas de parapluie blanc à tenir
Dans les souffles
Entre les débris
Par tous ceux tombés
De nos fracas

***

La condensation de l’image
Son fracas
Au déséquilibre des mots
Le poème
Paroi où halluciner
Un parapluie blanc

***

Transcription
2022-03-11

La pierre c'est ce qui est
C’est ce qu’il y a contre nous
Dans l’espace

Contre nous 
Contre nos corps

Nos corps ne peuvent 
Rompre toutes les pierres

Ils ont percuté les silex

***

Mes yeux ont soif de la diversité du réel

***

La rumeur
Avant le fracas
Déjà dans la pierre

La falaise tend ses couleurs
Aquarelle qui suinte
Dans ma main

Le fracas est venu avec l’éboulis
En déséquilibre
Les gris se penchent
Les blancs sont mon lit
Contre l’éboulis

La falaise 
Le fracas

Que cela ne tienne qu’à un fil
La chute et le renversement
Debout dans le ciel


***

Les mains grises
Pour tout retenir
De ce qui apaise
Avant le fracas
Avant la rumeur
Comme si le silence existait
Juste un corps dans la neige
Pour voir ce dont le ciel est fait


Le fracas de nouveau en nous
Après la petite paix
Cloche sur nos désirs
Nos corps empruntés à l’espace
Découvrent dans les débris
Des accolades imaginaires
Aux sons des chants à inventer
Nous voulons entendre le gong qui arrêterait nos destructions

***


Contre-poème 2022-03-12


Pas de parapluie blanc
Mais drapeau
Devant les chars
Avec tout le courage

La réalité serait-elle guerrière du poème?
En lui se lèvent les hommes et les femmes
Est-ce au prix de leur vie?


Quand entrent dans le poème leurs gestes
Ce n’est pas la guerre qui envahit le poème

Des battements de cœur, des larmes, des clameurs, des cris

La réalité détruit-elle le poème comme un obus perfore?
Le poème n’est-il pas un homme et une femme debout contre la mort?

***

Dans un autre contre-poème, j’imagine
Nous sortons tous au même moment
Ceux d’Europe et d’Amérique
D’Ukraine et de Biélorussie
De Russie et de Chine
Dans les rues bloquant tous les mouvements
Jusqu’à ce que cesse ce qui doit cesser

Les tirs d’obus et la destruction de GAÏA


Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Web , Wenthworth-Nord

L’inachevé de la joie – 16

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 16, 
 Lac de l’Achigan, Laurentides, Québec
45.95368551766065, -73.97461914689396

Pour les grenouilles
J’ai tant de lieux sous mes mains

Pour l’écrevisse
Je n’en ai qu’un seul

Lac de l’Achigan

Froide l’eau
Les doigts soulèvent les pierres
Au son du ruisseau
N’attrapent rien

***

J’ai recherché sous les pierres des ruisseaux des écrevisses sans les trouver.
Je sais par ma main vide l’ampleur de ce qui arrive depuis longtemps déjà.
Je continue de penser que nous ressentons cette débâcle dans nos muscles et nos os, viscéralement.

Ajout 2022-02-17:
Je n’ai pas soulevé toutes les pierres des ruisseaux pour trouver des écrevisses, mais je n’en ai pas vu dans les ruisseaux que j’ai rencontrés.


***

La pulsation de l’écrevisse meurt dans le bocal.

Signe pour moi du sauvage, du naturel. Signe rare, disparu.

Ajout:  L’inventaire du ministère des Ressources naturelles et des forêts indique que l’écrevisse des ruisseaux est présente dans toutes les régions du Québec.

Je devais écrire :
Tout le reste de ma vie
Je n’ai pas soulevé toutes les pierres de tous les ruisseaux
Pour trouver les écrevisses

***

Visibles et délicates sous l’eau
Elles fuient à la moindre ombre
(Ma main est une ombre)
Qui glisse avec elles sous l’eau
Elles ont une tête
L’intelligence de leurs mouvements

Leurs spasmes devant la main qui fait une onde

***

Le spasme de la fuite
Devant ma main qui fait une onde
Dans l’eau claire du ruisseau
Yeux en tête d’épingle
Pattes et antennes graciles
Sur le rocher, résistant au courant
Le Courant : celui de leur disparition ou de l’eau claire

**

Après avoir médité sur la maison du lac l’Achigan et de mes  séjours me vient une seule image, celle d’une écrevisse géante se battant avec Flash Gordon - ou d’une écrevisse géante transparente - frétillante au-dessus des paysages - dans tous les ruisseaux.

***

L’écrevisse géante frétillante au-dessus de moi
Ressent-elle mes colères de la disparition de ses frères?
Là dans les ruisseaux de mes marches

Enfant, dans le souvenir du lieu
Elle glisse de mes mains
Jusqu’où n’a-t-elle pas glissé de toutes les mains?

Écrevisse géante, mouvement des eaux
Minuscules fuites dans l’écoulement
Sous ma main de prédateur, sous les rochers

Quand Flash Gordon s’envole
Dans les fumées des fusées
On voit surgir les paysages intacts de toutes les planètes

Quand mes mains rencontrent l’écrevisse
Le lit du ruisseau bouleversé
Pour la prendre je l’imagine

D’elle je n’ai plus que le souvenir
Je suis le prédateur rapide

L’écrevisse géante n’est pas colère
Contre toutes les mains des prédateurs

Beauté incorporée au bleu des disparitions
Au cœur qui bat encore,  je suis dans le ruisseau
Dans lequel je ne ressuscite ni ne meurs

Éboulis de roches toujours recherché
Où l’écrevisse géante tamise le soleil
Où l’eau est plus limpide encore de la montagne

Son bruissement attire le prédateur et la proie
C’est sans main que je devrais m’approcher

J'immerge mon visage en sueur dans l'eau si fraiche
Pour être du battement de la terre et du suintement des rochers

***


Contre-poème ou Anti-poème

2022-02-18

Je n’ai pas encore assez d’informations pour écrire ce contre-poème ou cet anti-poème. Je n’ai pas encore tout lu sur ces écrevisses, ces pauvres écrevisses que je voulais disparues, qui n’allaient plus sous ma main, elles sont si nombreuses qu’on les dévore, qu’on les chasse et qu’on les chasse encore et qu’elles se multiplient dans tous les cours d’eau de France, d’Europe ou d’ici.

Comment poète puis-je être si loin de la réalité!
La chasse à l’écrevisse est un sport connu et les chasseurs le savent.  la vie pullule, malgré mes interdits, malgré mes insuffisantes, elle se remplace par elle-même dans une autre version d’elle-même que je ne connaitrai pas.

Fin du contre-poème

***
En quoi constater que l’écriture serait une joie est une erreur?
Ne vient-elle pas de l’eau?
L’encre ne coule-t-elle pas de la pluie?
Qu’est ce qu’ajouterait au ruisseau, au geai, au corbeau ma colère?
Avec le ruisseau et les pierres, ils me donnent ma vie

***

Je n’ai plus d’écrevisse sous la main pour dire la beauté du monde
Son fantôme est un léger voile dans le ciel
L’eau est-elle encore de l'eau si elle est chargée de plastique?
Est le ruisseau encore le ruisseau si aucun animal ne s’y agite?

***
Ma colère peut venir
Mais elle ne peut-être que contre moi le prédateur

***

Du lac de L’Achigan

J’ai l’impression d’être avec ma mère et ma sœur
Du bleu sur du bois
Une tyrolienne
Et un ruisseau
Avant l’embarquement dans l’automobile pour aller à Montréal
Pour voir Flash Gordon

Le ruisseau des écrevisses

***

Rivière de L’achigan

Rivière de l’Achigan
La rivière tire sa source principale du lac de l’Achigan, au cœur de Saint-Hippolyte, et déverse ses eaux 35 km à l’est dans la rivière L’Assomption, à 3.5 kilomètres au nord de la ville de L’Assomption. Le lac de l’Achigan, quant à lui, s’approvisionne par la décharge du lac Jimmy, du lac des Sables, par la décharge d’un ensemble de lacs dont le lac Malone, Lac des Chûtes, lac Duffy, lac Beaudry et lac William; par quelques ruisseaux de montagne, par la décharge du lac Molson,par le ruisseau Morency drainant le lac Morency et par la décharge du lac Renoir. *** L’eau est faite de millions de fantômes d’écrevisses Elle coule dans ma main Je ne garde d'elle qu’un souvenir d’une certaine sauvagerie Et un visage apaisé *** Ruisseau, écrevisse agile, Tremble, sillon d’eau, le bouillonnement Des mains, cinq doigts, garçon Une feuille morte, plonger, immobile Le vide, accent aigu, le bateau Frontières ou rêves, cailloux, après Second souffle, algues, aux ongles Carapace, fuite, trouver Sur le chemin, le son, si près Fraîcheur sans limite, cercles, roches Un peu de boue, lave, lavé, branchies Au-dessus, chant, érable Geai, falaise, pierre Amour, jusqu’à, emportement *** Écrevisse Vide au-dessus de tous ces ruisseaux Sans mes doigts Appel *** Contre poème 2022-02-22 Écrevisses rouges Envahissant tous les ruisseaux Par milliers dans les rivières À pleines mains les prendre *** De cette vie donnée Le prédateur Sur toutes les planètes À foison Lacs à la chaine Asphyxie Il vogue sur l’eau Ses doigts rougis sur la pierre Dans l’eau plus que l’eau Extinction sans frontière Pour qui tue De sa seule présence *** Marche, marche les sentiers Chasse, chasse les souvenirs Ruisselle, mes peines Assoiffe, les vivants Fantômes de mes atmosphères

Categories: En cours de publication , Essai , Lac de l’achigan, Laurentides , Poésie , Récit , Web

L’inachevé de la joie – 15

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Lac spectacles, Wentworth- décharge
45,80904, -74,52415
Séquence 15

Au fil de l’eau
Avec toutes les mémoires
Qui allongent leur miroir jusqu’au ciel
Les enfants des nuages sur la lumière
Où le canot de ma main rencontre
Le huard dans la transparence
Il réapparait où je ne suis pas
Son oeil métallique et son aile auront la mort du poisson

Fermer les yeux aspirer le bleu
Là-bas où je vais la berge est indistincte
Dans le canot chacun de mes mouvements se répercute à l’eau
En résonnance jusqu’aux pierres des rivages
L’accord difficile entre moi et l’air

À la décharge du lac 
L’eau est plus mince
Les roches affleurent
Un héron s’envole
Toujours me déjoue

Bottes dans la boue
Où le héron pêchait
Reposer la rame 
Dans la forêt aux odeurs de pins
Marcher vers la chute

***


Les harmoniques de  l’eau
Du lac à l’Océan
De sa décharge au salin

Mes pas accompagnent
Le récit de l’eau vers les plages
Où se perdait mon regard

Le bouleversement des chutes ne cesse
Entre les masses de pierre
Entrailles où l’écoulement gronde au coeur

Où implose le miroir du regard
Descendre avec l’eau
Sans être à la mesure de sa force

Après le tumulte l’étang le ruisseau
Un ruissellement de truite
Le son de gorge des corbeaux

***

Toujours à l'envers le départ du canot
En équilibre sur l’eau

Selon le vent la pointe du canot
Par le mouvement de la pagaie

L’eau oscille et donne le passage
Le canot paroi qui tremble

Fend le ciel aux rares nuages

***


Au fil de l’eau
Le canot flottant
Le mot flotte
Contre les nuages
Perd tout son sens
Se métamorphose
Et devient vole

***

Le canot glisse dans le ciel qui n’imagine pas le poisson
Qui fait bulles et cercles

Le mouvement en J de mon poignet
Mes doigts touchent à l’eau froide

Si c’est en juillet au lever du soleil
La brume ouverte avec l’eau

J’ai à la main le miroir des doubles ciels
Et mon double va dans la même direction que moi



***

Chants d’oiseaux
Au fil de l’eau
Le canot à l’aurore de brume
Glissent en moi les ciels évanouis
Des tremblements de ma mémoire

***




Au matin 
Du mouvement des bras
Sur les ciels
Parcourus avec les chants
Qui connaissent de la brume le blanc
Enveloppant une silhouette disparue

***

Coule sur la mémoire le canot
Eau stagnante, eau lente, eau limpide
Trace un éventail

À la pointe de son creux effilée 
Il invente son rêve de s’élever dans les airs
Au diable épuisé de son mouvement
La douceur du passage suggère un paradis oublié

Juste avant le soleil qui aveugle
Le paysage de brume disparait au Vauvert avec moi 
Dans l’écoulement des arbres, des pierres et des arbustes

***

Le paysage avec moi
Sur le ciel d’eau
Où la brume attache les nuages aux bleus
Avant que le soleil ne se lève
Qui rend mon passage léger entre les rives

***

Canot

Double léger ravit de l’eau le ciel
Il passera entre les nuages
Pour rejoindre les mirages de pierre
Qui disent une autre fois la terre
Posée contre le lisse qui glisse sur mon dos
Un peu ivre des chants d’oiseaux
Je me relève pour parcourir le sentier
Bruissant de la décharge du lac

***

Le ciel dans son encre d’eau
Aussi léger qu’un reflet de pierre
Jusqu’à la rive où je deviens avec la terre
Le marcheur au fil de l’eau versée en tourbillons
Éblouissante au soleil qui s’est levé entre les fissures 
Creuset d'Océan


***

Avant la décharge
Une eau limpide
Où parfois le héron s’envole
Au-dessus du fracas entre les pierres 
D’abord rondes puis aux angles aigus
À mesure que le courant accélère
Mes pas voient le bris des eaux
En tourbillons et en gouttes
En bas d‘une petite falaise
Que le sentier accompagne
Entre mes mains
La fraîcheur sur mon visage


***


Je ne peux pas dire au coeur du temps
Je ne peux pas dire au coeur de l’espace

Je ne peux pas dire je suis au coeur de l'eau
Je suis avec l’eau
Vers la décharge
Je suis avec le huard qui plonge
Je glisse jusqu’à l’émerveillement de son apparition 

On dit que l’eau qui coule est la métaphore du temps
C'est l’eau en mouvement

On dit la décharge : d’un lieu à l’autre 
Eau emportée sur le dos de la pierre
J’avance entre les arbres vivants
Attiré par le bruit de l’eau
Joie des printemps des cascades
Eau contre bois morts et roc

On dit: depuis des centaines d’années
Pierre ouverte par l’eau
Jusque dans l’étang aux arbres debout morts

On dit : dans sa chute
Le grondement vibre dans le torse
Les éclaboussures au visage
L’eau bouillonnant
En tournant happe le regard 
Elle s’enchevêtre aux troncs
Se façonne en spirales


On dit : la force de la décharge
Cette eau de lac frappe, contourne et enrobe les pierres
Prend de la vitesse et creuse
Une falaise et une coulée
Se mêle dans les remous aux arbres
Heurtant le regard d’une harmonie
Entre l’homme et la  forêt
Dans  la chute des corps


On dit : l’homme mais ce n’est que de l‘eau qui parle
La respiration aime la fraicheur de l’eau
Les cellules veulent la poursuite du mouvement

Dire qu’il n’y a pas que de l’eau et de la pierre
Entendre l’eau contre les roches
Le long de la falaise où s’accrochent des cèdres
Coïncidence des sons et de la vélocité des eaux
Contre l’immobilité de la pierre

On dit que c’est le temps
Mais c’est l’écoulement en ce lieu
Où la pierre est dévoilée
Et dévoilée elle est rongée

Dans l'espace de la chute
Je descends au plus près des éruptions sonores
La beauté fait arrêt
Et la profondeur du grondement la pensée

Oui dans cette pierre
Oui dans ces arbres
Oui jusqu’en bas
Oui, cette joie de l’eau
Sans fin, il me semble

***


Il n’y a pas d’humains ici
Que des arbres morts, droits ou tombés
Dans la chute ou dans l’étang
Contre la pierre ou dans la boue

Lentement après la cascade, l’eau dans l’étang au pied des arbres blancs
Contre les effervescences de l’eau les arbres bruns
Dans les arbres debout dans l’eau les oiseaux
Au coeur du déferlement le pépiement des mésanges

Gouttes d’eau sur la pierre
Pas du seul humain
Descendant, entendant
Où les animaux disparaissent

Bois de débâcles ou arbres debout blancs
Arbres vert tendre ou arbustes le long du chemin
Imbibés d’eau ou secs
Verticales, horizontales, obliques, courbes
Quand l’eau coule et gronde entre les pas

Férocité de l’eau dans la chute
Offrande de bois
Tout le long de sa course
Jusqu’à l’étang
Où le chant

Troncs et branches sur le lac
Tombant avec l’eau
Branches dans la bouche du castor
Sur la maison enneigée

L’eau n’a pas d’image fixe à clamer
Elle tremble avec le chemin
Elle est agitée de pas
Elle détruit en se dissociant
Elle attend le regard et le révoque
Elle sourd ou bruit
Elle me fait
Limpide ou immobile
Agile et contemplant



***


Ainsi chaque lieu peut devenir un lieu d’écriture
En autant qu’il est imprimé dans la mémoire
Chaque branche, chaque arbre, chaque promontoire*
Chaque espace terrestre peut devenir un lieu d’écriture



*L’Acropole des draveurs est l’emblème même du promontoire

***

Homme couché dans les vapeurs de l’étang
Homme debout contre le déferlement de la cascade

Dans la cascade bassin d'eau lente pour déposer le corps
Au bord de l’étang, écouter le geai bleu

Se frayer un chemin au bord du ruisseau pour voir toute l’étendue de l’eau
Se coucher dans l’eau claire imaginer des écrevisses

Revenir en arrière

On dit : on dit en arrière pour le passé
S’imaginer de brume pour se coucher sur l’étang et être de tous ses mouvements

S’accroupir au ruisseau pour voir les écrevisses
Dans la main ne s’agite plus que de l’eau

Son tumulte imagine la vie
Dans l’étang le foisonnement lent aux odeurs de pourrissement

La ligne claire qui sépare nos passés de vivants
La fuite argentée des écrevisses hors de nos paumes

Le long du ruisseau lentement attendre l’orée des vivants
Du ruisseau des débâcles et des troncs morts

Jusqu’aux bois fantômes où le pic
Où le héron, le corbeau, le geai
Ne veulent rien de nous 

Debout tels des arbres morts
Attendant que la vie s’accroche à foison en nous
Et retrouve sa limpidité

***

Le poème devrait être un torrent qui gruge
Mais ce torrent qui gruge la pierre
Est en un lieu où le petit ruisseau en un torrent gruge la pierre

***

Le ruisseau et sa chute
Pierre enlevée, grugée
Fissure ouverte par les ans
Tant d’années
Vieille chose
Constance de l’eau sur les pierres
En hiver l’eau des montagnes descend vers les lacs
Ne se fige
Vers tous les autres lieux de la terre
Là où la terre finit l’eau
En sa chute contre la pierre
En forme de tourbillons 
Le vide de l’usure
Par son mouvement comblé

****

Les lieux de l’eau
Dans la fissure de la terre
Contre la pierre enlevée
Jusqu’à l’océan *

L’eau habite la terre
Jusqu’à L’Océan
Jusqu’aux cavernes
Contre la lave
Nous n’existons qu’avec elle

Quand je transcris cela je pense à St-Siméon, là où le paysage s’ouvre vers le fleuve

***

Métaphores du petit ruisseau
Surement pas un train une automobile
Une image légère qui se tortille et se distille

Le bruit qui l’annonce
Non pas une machine
Peut-être un vent liquide
Des chevaux, une fuite
Se précipitants en leurs chutes des hommoncules
De pêtites choses sans visages les atomes
Qui s’agitent dans tous les sens

La fluidité de l’eau non pas comme une huile 

Lieu d’une fissure, d'une échancrure
Grave la pierre d’un vide
Qu ajoute au mouvement de l’eau

***

Je suis comme la chute
Un évènement de l’eau

***

Ce qui échappe à l’eau : la pierre
L’eau lave rapide entre les pierres
Les anéantit doucement

L’action de l’eau sur la pierre : pour la terre
Sous mes pieds sol d’humus
D’où jaillissent avec l’eau les plantes
Monte avec cette énergie inaccessible à nos corps

Nous élève l’eau par sa chute
Nous: torrents contre nos pierres
En figure de paroles
Tourbillonnant, coulant, 
Chacun creusant ses fissures

Torrent qui ne cesse que pour le calme miroir de ses quiétudes
Eau parlante de décharges et des lacs
Jusqu’aux Océans de mes rivages


Categories: En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Web , Wenthworth-Nord

L’inachevé de la joie – 14

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Lieu 1, Séquence 14
Lac Spectacles - Wenworth  45.812627194164754, -74.54446608646387

Pas de transaction monétaire pour ces poèmes. Ils sont de la terre, mais dans cet espace électronique qui surchauffe la planète, est-ce la solution?

Ajout : 2022-02-04

    • La solution : simplement écrire à la main - sans transcrire. Geste minimal 0 de l’écrivain.
    • Il pourrait aussi écrire sur un support éphémère, par exemple l’eau.
    • Un geste dans l’eau ne laisse pas de traces - dans l’eau claire, pure. Du moins pendant un si un court instant.
    •  L'eau, sous forme d’encre - sert à inscrire sur une surface les lettres.
    • Personne n’imagine écrire avec du pétrole - si moi - un instant. Pétrole des sables bitumineux - odeur du pétrole. Inodore encre bleue des plumes fontaines.
    • Écrire dans le sable. Mais emporté par le vent.


***

La pierre sur la pierre devant soi
Offrande de la terre au coeur de ma marche
Ressentir toute la force du mouvement qui me propulse vers la lumière
Courbé sur les feuilles, ratissant les herbes
Aux humides lancers
Entre pins et bouleaux
Leurs odeurs dans la respiration
Au bord des précipices qui m’offrent le vide
Il me conduit là où je vais voir le rosé se joindre aux verts 
La tenaille de racines ne se rompt pas aux fissures des rochers
Je suis dévoilé en elles 
Sous mes pieds l’apaisement a la forme de la terre

**
De ces lieux écrits, je devrais parler d’un désert d’humains, là où je vais, point d’hommes - beaucoup moins que sur le sommet de l’Everest - et bêtes rarement entrevues. 

En plusieurs de ces lieux, je le crois, peu ou pas d’humains sont allés ou sinon à intervalles très espacés - pour des opérations forestières probablement.  Dans toutes mes marches dans les forêts laurentiennes hors sentier je n’ai rencontré que peu d’humains - le sauvage du paysage serait-il à portée de la main?

Non, parce que la plupart de ces forêts ont été coupées, travaillées, régénérées, défaites. Des travailleurs sont passés, on en voit les restes, ou les traces dans le paysage. Chemin forestier, débris parfois,  arbres tombés, troncs coupés - d’où s’élèvent d’autres arbres.

Sur les sommets plus escarpés moins de chance de coupes, d’où une plus grande abondance de pins et d’épinettes.

***
Ainsi tous les lieux dans ma mémoire et dans ses écrits sont comme un espace?

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Web , Wenthworth-Nord

L’inachevé de la joie – 13

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Lieu 1, Séquence 13
Lac Spectacles - Wenworth  45.812627194164754, -74.54446608646387


À la montée - c’est le corps qui monte - avec son chapelet de gestes. Balancement des hanches, pieds, tête en avant - un peu - le corps  cherche la pierre. Éperon de rocher devant, le contourner. À gauche flanc de la montagne pour l’amour des pins et des pruches. Pas en plus, avec plus de souffle - le souffle dans les pas vers le vertige de la lumière. Au sommet, entrevoir la falaise puisque son fracas est en moi. Paquet d’os en vertige. Grimper là pour voir une fissure entre deux  rochers qui donne le vide à ressentir. L’aspirer. Comme un corps - la lumière sur de la pierre. Contre la pierre la lumière - et les arbres poussent dans les interstices, tombent et reviennent. Le plateau du sommet. Ouvrir la pensée, en gong, en quanta, en bouffées. S’assoir, la respiration dialogue avec la pierre qui soutient le corps jusqu’au centre immobile des roulements, du tournis d’univers.


Categories: En cours de publication , Essai , Montcalm , Poésie , Récit , Web

L’inachevé de la joie – 12

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 12

Ça y est j’ai encore les mains froides
La main du vent
La main de pierre
Sur laquelle la toile d’araignée des artères
À l’ombre de tous mes soleils
Me dira d’écrire le coeur
Qui se ravive sans fin
De la ronde des silences
À l’orée des jours

J'ai encore la main froide
Main de pierre agile
Elle reçoit du coeur les déficits
Les masque si souvent
À la respiration du monde
Grand corps absent ou assourdissant
Qui s’articule et se désarticule devant moi
Demande à mon sang de m’éroder, de croître
Ou de rester immobile
Je serai plante ou cerceau de lumière
Peu importe
Là où ma main de lave devenue
Coule pour devenir île


Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Lieu 0 , Poésie , Récit , Web

L’inachevé de la joie – 11

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 11
Appartement Venise - 1550 Calle de le Oche,Santa Croce, Venise, Italie
45.43935, 12.32730

2022-01-23

La constance de la lumière
Mouillée, lente, effeuillée
Sur les pierres, les façades
Les crépis troués
Les briques mangées 
Le long d’un calle le corps dans l’étonnement de l’improbable
De la lumière et de l’eau
De la pierre et du vivant

***

Les fissures de la pierre
Près des doigts
Où l’eau pourrait mourir
Mourir et revivre une autre fois
Où une plante s’enlace
Aux ocres et aux jaunes

Est-ce un souvenir ou 
Venise inventée par un autre corps
Entre un calle et un rio?


Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Venise , Web

L’inachevé de la joie – 10

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 11
Lac Spectacles, Wentworth-Nord, Montcalm 
45.812627194164754, -74.54446608646387


De la fissure de la roche vers le haut de la falaise, où comme le temps, l’espace de pierre ouvre à  l’air, au chant, aux arbres.

Dans ma mémoire, je peux voir le trajet. Est-ce que je peux voir- ressentir mes gestes?

Dans mon corps - les gestes. Est-ce les gestes que je ressens dans cette vision-remémoration? Qui ne peut exister sans ce corps. Qui produit son temps.


Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Web , Wenthworth-Nord

L’inachevé de la joie – 9


Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 9, Lieu 0

Le temps généralisé n’existe pas. Il y a des lieux et leurs temps.

Ce lieu peut être un objet en mouvement : automobile, bicycle, train, avion.
Au plus haut, sur les montagnes, le temps passe plus vite. En accélération, à plus haute vitesse, le temps passe plus lentement. 

Les temps de tous ces lieux ne peut-être rassemblé en un seul temps. Il n’existe pas quelque chose qui s’appelle Le Temps. 
Ces lieux et leurs temps. Ce corps en ces lieux et ses temps
Lieux de résidence
Lieux de voyage
Lieux de la marche

***

De l’immobilité

Même immobile, par exemple méditant, je suis poussé, entraîné à des milliers de km-seconde autour du soleil (dans son puits gravitationnel) et je tourne avec la rotation sur elle-même de la terre. Mon temps ou mes temps sont déjà modifiés de ces mouvements et de ma position par rapport à la masse de la terre (champ gravitationnel de la terre).

***

2022-01-20

Il n’y a pas d’immobilité dans l’univers.

Le point du Big Bang ( infiniment dense) n’est pas dans l’espace. Ni d’ailleurs dans le néant. L’univers m’enveloppe et me crée. Il n’est pas une personne. On peut dire qu’il est un évènement qui se poursuit en moi. Je suis évènement à l’intérieur des paramètres créés par lui, espace-temps.

On ne peut prouver l’existence d’un néant préexistant à l’univers. Notre seule certitude est cet univers qui nous fait. D’où cette joie d’être au monde.

****

En lisant Brodsky

En lisant Brodsky, sur Venise et ses autres poèmes, je m’aperçois que je sacralise la lumière. Dans cette écriture sur Venise, je sacralise, d’une certaine manière la lumière, comme but.
Elle ne doit pas être ainsi écrite, mais comme élément matériel de cette vie.

De cette vie vers laquelle je me tourne.

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Lieu 0 , Poésie , Récit , Web

L’inachevé de la joie – 8

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 8, Lieu 7
Venicia, Canaregio
Chiesa di Santa Maria dei Miracoli
45,43980, 12.33937

Tout ce vent fissuré d’océan
Sur les gondoles
Attendant l’aurore à ma peau
Sur le glacis noir
Harmoniques des mouvements aux vagues

***

Du palais des Doges à l’Église Santa Maria dei Miracoli 

Dans ma mémoire, les choses (les choses des lieux, les objets des lieux) sont des masses plus ou moins distinctes ou précises, comme des ombres lourdes. Moins le souvenir est précis plus les ombres s’imposent.

Ajout : 2022-01-28

Le souvenir ( les images du souvenir) semble une recomposition d’une image, à partir de quoi, je ne le sais pas. Est-ce que nous emmagasinons les images comme des entités ou des ensembles sensoriels? Quelle est la place de la sensation du corps ( du corps et des sensations du corps) dans le souvenir? Le souvenir semble un temps, ou parle d’un temps, mais ce n’est pas le temps, ni l’image du temps.
L’image ou les sensations d’un corps en mouvement dans un lieu au moment(s) de ce corps. Mais ce temps n’est ni une sensation ni une image.

Église Santa Maria dei Miracoli.
Dans mon souvenir, ciselures de marbres roses. Dépouillée, sans ornementation. 
Grande peinture dans la nef. Silence. Beauté.

Bordée par un canal. Dans un campo. Le canal est traversé par un pont.

J’imagine ou je me souviens que je prends une photographie de cette église. Je n’ai pourtant aucune !

Le trajet longe la Riva delli Schiavoni. Un pont saturé - alourdi- de touristes, comme moi, comme nous, les débarqués du jour ou non. Même si je me crois unique, je ne le suis pas. Mais c'est peut-être un unique trajet qui me conduira ce jour-là à cette église. Cet événement unique de la progression de mon corps dans les calle et la surprise de la rencontre de cette église.

Le quai s’allonge en une lisière indistincte
Vers l’Arsenal
Jusque dans l’Adriatique

Les touristes n’ont pas de visages
Au-dessus du glauque un peu puant d’un canal
Où les gondoles et les taxis prolifèrent
Un peu plus loin il y aura la surprise de la Miracoli

***

Sans visage 
Ils prennent le masque
De la foule

Sa fébrilité 
Fait ressentir l’urgence de l’escale

Venise en 48 heures

****
 
Dans Google map on peut visiter Venise. Y découvrir des coins charmants, des émerveillements.
La beauté de Venise : surprise des assemblages inattendus très souvent harmonieux de briques usées, de pierres sculptées par l'eau, de fissures, de fer, d’ornements, des rappels de formes, des césures inattendues, flamboyantes, des murets panachés d’arbres qui indiquent un mystère. Des ramo qui ne laissent passer qu’un humain à la fois aboutissent à une impasse d’eau où partir, si on le veut, pour rejoindre l’océan, en bateau. 

Par ses harmoniques, Venise est un poème complet qui nous donne à l’Océan par son labyrinthe.

Le labyrinthe d’eau n’est pas le même que celui de la pierre. Ils s’entrelacent. Permettent des fuites divergentes mais accordées.

La pierre descend au fil de l'eau doucement vers Venise 
Pour être assemblée en ses fissures
Sans regret les briques dénudées de crépi
Annoncent ce que nous appelons le temps
Qui est notre corps de passage dans ses eaux
Qui coulent autour de nous
Elles nous disent mobiles et fugaces
Légers et furtifs

***

L’église dei Miracoli apparaît, sa teinte est le rose, elle a cette résonance dans mon souvenir.
Elle surgit dans la marche.

***

Église dans le silence
De ce qui tombe dans la lumière
La révélation d’être au lieu
Où l’écho se répercute
Jusqu’aux plafonds ornés
Qui écoutent les voix
Des émissaires de la joie ou des porteurs de la douleur

***

2022-01-15

À l’éclaircie, là-bas
Un navire se profilera plus haut que la Salute
Au-delà de cette foule
Par les ponts et les canaux
Le cœur de silence de marbre 

Une vierge de bois passant entre les clairons de Monteverdi
Attend et n’attend pas le reflux du silence

***

Miracle de marbre au détour d’un calle.

Se répercute jusque dans la foule
Un instant elle tourne la tête
Vers le large où apparaît un point blanc
Sur l’Océan, un salut

***

Je marche avec la foule
Elle veut Michel-Ange, Le Titien, Le Tintorêt. 
S’agglutine, avance, attend, mange
Divisée sous le jugement dernier du Palais des Doges par Tintoretto
	
Ils sont sortis par milliers du ventre des navires
Avec le Caravagio
Son visage en pleine lumière
Découpé contre l’acier
Au-dessus des eaux qui amènent les passants
Devant les rouges et les ors de la peinture 
	
Du côté de la lumière ou de l’ombre
Dans cet afflux de miasmes et de respiration
D’un côté ou de l’autre du tableau
Au hasard d’un enfer ou d’un paradis

Hors des murs de la grand salle 
Chacun sur un calle, dans un vaporetto, au ristorante
Comme moi entre les jeux de l’eau et de la pierre
Pour étreindre la lumière de Venise	
Qui les délaisse aussitôt

***

Miliers de touristes du luxe des navires
Vers les Titiens, les Tintorets, les Véronèses
Agglutinés aux portes, téléphones aux mains
Selfies aux visages

Contre la carcasse noire d’acier
La lumière jaillit 
Le Caravage la peint

À la fin des promenades
Après le jugement dernier
La foule se divise malgré elle
En damnées et en élus 

Marie sort discrètement de St-Marc
Pour entendre un silence soudainement refusé
Entre les sueurs et les murmures
Elle me laisse seul 
Dans la salle du grand conseil des Doges
Pour que je décide de mon sort

***

De la foule des touristes
Caravage a-t-il un visage à peindre?
Surement pas le mien
Ni celui de ceux dont je n’ai aucun souvenir
Un trait, la bouche, les yeux, le nez
De ces visages oubliés
Caravage peut-il de la Giudeca inventer un corps
Émergeant du noir des entrailles du paquebot
Qui défigure Venise?

**

2021-01-17

Devant le paquebot noir
La figure émaciée d’un Syrien
Caravage de lumière et d’ombre
Offre à la foule le miracle
Qu’elle n’attend plus

Un après l’autre chacun
Migre d’un pas vers le visage 
Émergeant d’un néant détruit

À l’instant même de son apparition  la foule s’en empare
Pour nier à Venise sa lumière

Pourquoi avec les autres n’ai-je pas sauvé
La plus petite part de la grâce et de l’amour
Que le pinceau du peintre a tracé?

***

Il n’y a pas plus de preuve de l’existence du néant que de preuve de l’existence de Dieu.
Cet univers construit et reproduit son espace et son temps.
Dans cet univers, la règle est la création des étoiles au feu nucléaire de leur fusion et les planètes sphériques qui les entourent.
La vie est une des conséquences de son organisation. 

Mais dans cet univers qui créé la vie, celle-ci peut-être détruite (tout comme cette matière qui en est le substrat) en une fraction de seconde. À l’horizon des évènements. (En fait la matière est véhémente selon Rocavelli.)

Ce qui assure les conditions de notre vie est ce qui assure que notre destruction sera complète et inéluctable. 

***

Mon petit néant personnel
Devant un Caravage

Dans cette lumière qui éclaire un visage ravagé
Qui n’est pas le mien
Ni celui des touristes

Elle me pousse et m’effleure
Me laisse le passage ou empêche le regard
Pour solliciter le miracle
Captée par des mains, des yeux et une bouche en furie

***
La foule venue de la place des Doges
Avec nous sur le Ponte della Paglia
Où l’horizon imagine pour nous son océan
À partir de l’or du Redemptore

Nous, puisque je suis dans cette foule
Nous nous fuyons
Pour un calle désert
Un floc d’eau le long des marbres d’une église
Qui nous donne l’écho des silences de jadis

***

Eau ancienne 
Sur le flanc du mur noir
Contre le Redentore
D’où surgit le visage du migrant
Du tableau imaginé de Carravage

Les visages du Caravage
D’un mur halluciné
Traits de lumière le long des corps
Estompés des touristes
Se noyant dans leurs foules 

Et je lève le bras



Categories: En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Venise , Web

L’inachevé de la joie – 7

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 7, Lieu 1
Lac Spectacles - Wenworth
45.812627194164754, -74.54446608646387


L’éboulis
Son fracas
Au dédale des corps

Ne pas l’entendre
Le long de l’étang
Entre la sphaigne et la falaise

Répercussions
De proche en proche
Pierres roulent
S’arrêtent contre les arbres
Ou les déchirent

Haute falaise aux pierres rosées
Humides parois

À l’éclat de l’éboulis
S’arrêter pour attendre
Là où la lumière
Me conjugue à l’atmosphère
De ce silence


****

Les blocs enchevêtrés
Aux pieds de la falaise

Avant mon passage
Le paysage ouvert
Par leurs chutes

Après la marche le long de l’étang
Passée la charge du lac
Entre la montagne et la paroi

Sortir du dédale du corps
Avec la respiration des oiseaux
Entrer dans l’espace du souffle


***

Pieds mouillés jusqu’à la falaise
Parois humides rosées

À l’arrêt comme moi
Les masses des pierres

Immobilité sans souvenir
Leurs fracas

Un merle sur un noisetier
Furtif son chant

***

La marche jusqu’à la pierre parlera d’Océan
Au rosé des parois
Branches des cornouillers
Élégamment blanches fleurs des viornes
Quand le fracas survient
Au-delà de mon corps
Dans la vallée au ruisseau ténu
Entre les éboulis et la montagne


****

L’espace de l’amour où la pierre condense les fracas



Categories: En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Web , Wenthworth-Nord

Inachevé de la joie – 6

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 7, Lieu 1
Lac Spectacles - Wenworth  
45.812627194164754, -74.54446608646387


L’éboulis
Son fracas
Au dédale des corps

Ne pas l’entendre
Le long de l’étang
Entre la sphaigne et la falaise

Répercussions
De proche en proche
Pierres roulent
S’arrêtent contre les arbres 
Ou les déchirent

Haute falaise aux pierres rosées
Humides parois

À l’éclat de l’éboulis
S’arrêter pour attendre
Là où la lumière
Me conjugue à l’atmosphère
De ce silence
Émergé dans l’Océan

****

Les blocs enchevêtrés
Aux pieds de la falaise

Je les entends avant mon passage
Fracasser le paysage
L’ouvrir par le son

Après la marche le long de l’étang
Passée la charge du lac
Entre la montagne et la paroi

Sortir du dédale du corps
Avec la respiration des oiseaux
Entrer dans l’espace du souffle


***

Pieds mouillés jusqu’à la falaise 
Parois humides rosées

À l’arrêt comme moi
Les masses des pierres

Le fracas se poursuit
Dans l’immobilité sans souvenir

Un merle sur un noisetier
Furtif son chant

***

La marche jusqu’à la pierre parlera d’Océan
Au rosé des parois
Branches des cornouillers
Élégamment blanches fleurs des viornes
Quand le fracas survient
Au-delà de mon corps
Dans la vallée au ruisseau ténu
Entre les éboulis et la montagne


****

L’espace de l’amour où la pierre condense les fracas



Categories: En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Venise , Web

 Séquence 6, Lieu 6
Piazza San Marco, 30100 Venezia VE, Italie
45.434416, 12.339115

Marche au matin vers Plaza San-Marco

Dans Venise sans passants à 5 heures
Vers St-Marc
Mes pas sur les calle
Seul
Avec la lumière qui vient
De la douce aurore de Venise

***

Entre ma mémoire visuelle et mon (le) langage, il y a un hiatus.

Je me remémore cette marche

Surtout à partir du Pont Rialto

    1) Sur le pont
    2) La place après le pont
    3) Arrivé sur la piazza
    4) Piazza
    5) Église St-Marc - la basilique
    6) Les gondoles au port - l’aurore
    7) Le retour en vaporetto - presque seul

La céramique de la cathédrale San-Marco
Son or quand tinte le glas de l'aurore.

***

Extrait d'un poème :

	Ce passage à un autre temps qui a les qualités ou qui hérite des qualités d’un espace labyrinthique et a été salué par d’autres.

	Ses battements se diffusent dans les corps, imprègnent les pierres.

	La force de l’Océan se joint à une nuit sans faille.

	Le désordre de ce temps est le désordre de Venise. Le voyageur arrive à destination à travers des passages inattendus, imprévisibles.
	
	Il est le temps de l’Amour.


***

Marche rapide des Vénitiens
Avec leurs enfants 
Langue doucement parlée
Chuchote avec l’eau des canaux

***

Rues-corridors désertes
Vitrines sans touristes
Mes pas vers San-Marco
Le silence enfin 

Céramique de San-Marco sous mes pieds

Dans le vaporetto - au retour
Doucement balancé par les vagues
La lumière d’aurore sur les gondoles
L’or de Venise sur la peau

Quel est cet or de Venise?
Celui des rapines?
Des profits des marchands?
Des chevelures blondes?
De la lumière, de quelle lumière?
Quand donc la lumière est-elle d’or?
Dans quel instant imaginé prend-elle cette teinte?

2022-01-15

***
	
Le but est de me réapproprier ma mémoire à partir des lieux retrouvés

De l’espace en résonances

Motif Musical : Monteverdi
Vespre de la Beate Virgine

Dans St-Marc 
L’entendre
	
Avec l'amour

***

Quel évènement introduit la résonance des espaces entre eux?


		Plus joyeux qu’un ange
		En cet amour filé jusqu’à l’eau
		Des reflets la nuit
		Que chaque or recèle

***
Le chaos des canaux
Sur l’eau les frontières disparues
A tenter de ne rien connaître
Juste les vagues et le bruit du vaporetto
Au cœur du dédale d’eau
Là s’emplit et reflue l’Océan

	
	Sur le pont du Rialto.  Regard vers le grand Canal.  Là l’Océan. Marches blanches vers lui. S’ouvre un campo et des magasins. À droite pour St-Marc, affiche SAN MARCO. Plusieurs images de ce campo. Au-delà  du campo,  rien dans la mémoire avant St-Marc, si ce n’est la calle vide des magasins. 

	Chaos de Venise
	Amour de Venise
	Amour à Venise

	Paillettes d’or de l’Amour
	Le cœur livre le chant

	Aucun trafic humain
	L’attente de la lumière
	Sur les coupoles et la mer
	Contre le marbre et la peau
	La pierre lessivée recevra comme moi
	La pellicule d’eau rose de l’aurore

***
Sur la Place St-Marc joggeurs et joggeuses. Ce qui est laid. Même si les corps sont beaux.

	
	Rues vides
	Seuls, mes pas
	Leurs sons
	L’éclairage des vitrines
	Sur le Rialto, il fait nuit, encore


	
Tant de fois j’aurai pu 
Marcher vers Place St-Marc 
Pour atteindre l’aurore
Dans les calle déserts
Le son de l’eau
Est-ce tout le mouvement de Venise?

Venise se déploie dans ses eaux

Bouge, navigue en ses eaux

Le temps de Venise - en ses eaux 
Espace chaotique entre les eaux - amour

Amour entre les eaux du chaos

***

Entre les visages
Où flotte l’amour du chaos
Je reçois les musiques des eaux
Prolongées jusqu’aux céramiques d’or
Aux mémoires de mes pas

***

Dans l’amour du chaos
Je reçois les musiques des eaux
Prolongées jusqu’aux céramiques d’or
Aux mémoires de mes pas

Les dalles de San Marco
Aux milliards de pas
Sous la pluie d’or
Des visages extasiés

L’ange descend et prend ces corps

Instruments de musique de Venise

	Ce qui s’appelle mon corps - se mélange à la pierre en cercle 

Pour voir l'intérieur de la cathédrale San Marco ce matin là il aurait fallu que je sois un rat, impossible d'entrer.

En haut les merveilleux chevaux et la coupole du Christ.


****

Je peux parcourir tout Venise en virtuel Google map à un temps ou des temps x. L’été ou le printemps.

https://www.google.com/intl/fr-CA/maps/about/behind-the-scenes/streetview/treks/venice/

***

   L’eau verte au matin
	Pas encore agitée
	Des briqueteurs, plombiers, livreurs de vin et de légumes, blanchisseurs
	Qui vivent hors Venise

	Le départ de la marche 
	Dans le silence des canaux 
	Après que tous les taxis aient livré leurs parts de rencontres

    Venise palimpseste de tous nos amours
	Au bord des vagues hautes ou douces
	En transparence de nous

Sur le pont l’inspiration d’un départ
D’un point 
De l’amour
Où les eaux se rencontrent

D’un point
À la rencontre des eaux
L’amour ne signe
Que la douceur du clapotis des vagues

		Air de l’amour - le cri de l’amour
		Jusqu’à St-Marc la dorée et la rose

		La dorée et la rose
		De la lumière la pellicule d’eau
		Pour le ravissement en notes
		Écho de la pierre en mosaïques 
		Ange lointain de nouveau dans mes pas


***

Le pont Rialto figure des eaux
	Né lui aussi des eaux

	-Tout est né de ces eaux 
			-Tel Venus
		À Venise

	Elle se conjugue à l’océan
	En cet anneau

Corps astré
Lune au bout de ma course
Où la respiration avec l’Océan
Se conjugue à l’éclat doré de St-Marc

***

   Travail indéfini
	Il y a toujours ce lieu en moi
	Y compris celui de ma fin 
	Le lieu de ma fin
	Corps en un lieu conjugué de ses lieux
	Le lieu Amour


****

Si dolce e il tormento  

***

Pour que cette marche devienne de pierre fluide

Saisie d’aurore
La marche fluide
Entre les pierres
Morcelées en figures  d’or

***

Ange qui me regarde passer
Sors de ta cathédrale
Avec les chevaux piaffants
Pour descendre jusqu’à la surface des eaux 
Amener à moi la lumière

***

Le geste de la main
La bouche ouverte pour le baiser
Dans la pierre Maria avec Monteverdi
Entend et ressuscite les regards
Aux anges coulant de leurs ors vers nos visages

***
Avant le pont du Rialto 

Arrivages de légumes et de fruits de mer
La succulence des eaux
Sur les tables de bois
Quand le vent, si le vent d’Océan

***

La pierre récite
Les eaux translucides
D’où émergent les visages
Si clairs de l’amour

***

Vent d’Océan
Sur les pierres 
Depuis si longtemps
Venise reçoit ses eaux

***

De ces pierres à ces pierres. Au passage les hommes, leurs espaces, où la lumière inonde les coupoles d’or.

***

Pierre contre l’Océan
Où il glisse dans les lagunes
Contre les pierres
Gonflement de marées
Vagues lentes et douces

***

Creusés de la mer
Les canaux des lagunes
Entre les iles
Devenues de pierre
Où la marche entend l’Océan

***

Sur les pierres
La résonance de l’océan
Entre les pas
Jusqu’à St-Marc
Où la lumière arrache
Au corps le corps

****

Comme l’eau goutte à goutte
Le mur de pierre se forme
En ne retient aucune de mes images
L’amour est le labyrinthe des corps
Pliés dans l’aurore
Au bout de la vague
Fuite d’Océan et de vent

Categories: En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Venise , Web

L’inachevé de la joie – 5

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 5, Lieu 5
Campo Sans Giacomo del Orio, Santa Croce, Venise, Italie 
45.440229, 12.327827

San Giacomo del Orio

Dans les calle au matin
Doucement les voix 
Des pères et des enfants
		
Rapidement
Vers l’école
En murmures 
La langue italienne

Au soleil déclinant
Femmes se parlent
Enfants jouent au ballon
Sous les arbres du campo

Fraicheur bienvenue
Dans la canicule douce de Venise 

***

À la marée ou au soleil d’après-midi
Sous les arbres ou sur les pavés
Les pas des enfants ou des femmes

Sans lassitude
J'entends ressurgir chaque lieu
En ma mémoire

***

Le temps existe en l’espace
	
Dans cet espace, nos passages, nos actes. Notre temps, celui de notre passage.

Notre passage dans l’espace, sa trace engrammé, c’est  le temps et notre temps.

Ainsi le temps n’est pas perdu.

***

Les hommes et les femmes de Venise ne se perdent. Quand ils marchent ou embarquent dans leurs bateaux, ils savent dans quel calle marcher ou dans quel rio naviguer pour atteindre le Gran Canal, l’Océan, ou les maisons de leurs amis.

***

Murs de pierre 
Lavés de cette eau verte des marais

Si veille
Des corps noyés et des navires disparus
Au delà de la lagune lente
Qui laisse passer le temps dans les veines

Quand sonnent  dans les os des Vénitiens
Les clairons à Maria de Monteverdi
Échos des profondeurs 
Contre leurs vies, nos passages, leurs départs

***

Entre les arbres
Les enfants jouent
Leurs mères parlent

Les suaves mots italiens
Colorent leurs visages
Dans ce campo vénitien

On dit bien dans
Le corps dans l’espace
Cet espace définit par le langage humain
Que le langage construit
Et qui reçoit le langage


Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Venise , Web

L’inachevé de la joie – 4

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Séquence 4, Lieu 4 
Appartement Venise - 1550 Calle de le Oche,Santa Croce, Venise, Italie
45.43935, 12.32730

De la lagune, l’eau

Au seuil des maisons
Une rumeur de mer
En tout lieu de Venise

***

À la nuit, taxis, jusqu’à trois heures du matin. 
Au matin livreurs, entrepreneurs en construction, plombiers sur leurs bateaux. Parfums de diésel. Eau verte intouchable, imbuvable. Tant d'évènements dans cette eau. 

Je l'observe de mon balcon en écoutant.

Appartement de Venise
Plancher en terrazo beige. Cuisine ouvrant sur une porte avec balconnet. Chambre donnant sur un autre balconnet au-dessus d'un rio. En face édifice désaffecté avec magnifiques fenêtres Plafonds hauts. Table de cuisine en bois. Comptoir de cuisine face à la porte.

En regardant sur Google map mon trajet de l’appartement jusqu'au Campo San Giacomo del Orio, je comprends que j’ai la mémoire du trajet, de la forme de l’espace, mais pas des couleurs. Un peu des sons. 

***

Où je dors
Quand l’eau s’éveille avec moi

Je suis perdu 
Et l’amour perd

Ses métamorphoses dans Venise

Cette errance, à la recherche de l’autre, l’amour est une errance

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Venise , Web

L’inachevé de la joie – 3


Séquence 3, Lieu 3, Version 1

Campo San Boldo, Santa Croce, Venise, Italie
45.43952298038058, 12.328541297944598


Venise,  lieu qui navigue avec l’eau, s’allie et se mêle à l’océan, se fond à lui et nous perd.

***
Le son du poisson jaillit
Floc 
Dans l’eau verte de Venise
Contre un mur léger écho

La lune reçoit nos mains sur le pont de pierre
Qui écoute l’écoulement de l’océan dans nos veines

Le canal à droite, après le pont une petite place, au rectangle de deux canaux

Devant nous ,un édifice de trois ou quatre étages. Au deuxième, un appartement illuminé. La lune est levée. Pleine, ronde. 

Si doucement 
Elle ajoute à l'eau sa lumière
Sur nos pas agrandis de marées d'ombre
Avec le goût de se perdre


Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Poésie , Récit , Site web , Venise , Web

L’inachevé de la joie- 2


Lac Spectacles, Wenthworth, Québec
45.79814261833918, -74.5293220935403


Projet indéfini 

Tous les lieux en mémoire à écrire

Ici- ce lieu - et toutes ses écritures

Non pas l’objet.  Ce qui vient avec l’objet.

Mémoire de Proust  - Sonore, liquide, fonction d’onde

Je ne suis pas nécessairement l’observateur ou l’observé


La marche ou le passage modifient le paysage.

		Engramme du passage dans le paysage - engramme de l’espace en soi

Cet en-soi est une covariation des évènements et lieux enregistrés - en fonctions d’onde - harmonique des évènement en soi -
		-Temps pour Proust

Être pour Proust : accumulation d’harmoniques - co-variation :  mémoire retrouvée et action de retrouver cette mémoire = temps
Categories: En cours de publication , Essai , Non classé , Poésie , Récit , Web , Wenthworth-Nord

Inachevé de la joie 1

Séquence1, Lieu 1, Wenthworth-Nord, Québec, Canada,45.812627194164754,
Falaise
Étang de la falaise

La terre de mes pieds façonne la terre

Les cournouillers
Les pins
Devant moi
La fissure du paysage 
Où s’introduire dans le lieu 

A droite: la falaise
À gauche:  la montagne

Entre la montagne et la falaise 
L'étang
Pour les oiseaux et les vivants
Pieds mouillés

De la montagne la côte sombre
De la falaise l'éboulis

Récits de pierre
Histoire de la terre dévoilée
Sans buissons, sans arbres
Le rosé des pierres

Les pas déversés
L’un après l’autre
En chute des regards
Des rochers le poids
Contre la respiration terrestre

Le vent
Le passage

****


Le ciel
Quel ciel?

( Regards incessants sur le ciel)
Bleu lavé nuages

Comme les souvenirs

(Les écrivants ils apparaissent d'une autre façon) 

Buissons à franchir
Avant la montée 
Démêler le corps des branches des cornouillers, des framboisiers
Autour de l’étang
Énergie de lumière* 

* Les vivants émettent plus de lumière que le soleil

2022-01-07

***


Montagnes et falaises sans nom

Espace seulement
Quand la mémoire
Roches d'éboulis, carrés, rectangles, rondes

Versées
Déversées

Fracas 

Je n’ai jamais entendu une tel fracas

Arrêtes des pierres
Blocs erratiques

Ruisseau suivi
Pour le tour de la montagne
Eaux aux pieds
Sphaingue

Entre la montagne et la falaise
Tout l’air de la marche

****
Images de la falaise


Sombre, fraîche
Accents roses des pierres outaouaises

Ciel - Quel ciel?

Encore des pas

La pierre - condensation de mots

Éboulis de gravité

Au pied de chaque pas

Bloc près de soi
Air chaud du regard

Le temps en lui

***


Terre étagée
En souvenirs

Son histoire - en soi ( en moi) 


	La poète peut-il encore être prométhéen?

	Est-il simplement orphique ?

	Celle qu’il change en pierre, c’est la terre?


Trace des lieux
En soi 

Soi dans l’espace de chaque lieu

Comme mémoire d'un corps en mouvement

Categories: Essai , Lieu 1 , Lieux , Poésie , Récit , Site web , Web , Web-Hypertexte , Wenthworth-Nord